Intervention de Valérie Bazin-Malgras

Séance en hémicycle du mercredi 19 juin 2019 à 15h00
Indemnisation des victimes du valproate de sodium — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Bazin-Malgras :

Le valproate de sodium ou Dépakine est commercialisé en France depuis 1967. Ce traitement contre l'épilepsie et les épisodes maniaques des troubles bipolaires est aussi un tératogène puissant. Il est à l'origine de malformations chez les enfants exposés pendant la grossesse dans plus de 10 % des cas et de troubles neurodéveloppementaux dans plus d'un cas sur trois. Un tiers de ces enfants présentent en effet des retards dans l'acquisition de la marche ou de la parole, des difficultés d'élocution et de langage, des troubles de la mémoire, ainsi que des capacités intellectuelles plus faibles que celles des autres enfants.

Chez les enfants exposés à la Dépakine, le risque d'autisme infantile est cinq fois plus élevé, et la prévalence des pathologies appartenant au spectre de l'autisme est trois fois plus importante. Arrivés à l'âge de 6 ans, ils présentent un quotient intellectuel en moyenne inférieur de 7 à 10 points à celui des enfants exposés à d'autres antiépileptiques pendant la grossesse.

Ces conséquences dramatiques ont affecté de nombreuses familles. Le risque est connu depuis 1986. L'exposition à la Dépakine est restée élevée chez les femmes enceintes ou susceptibles de le devenir, bien souvent faute d'alternative. L'Agence européenne du médicament a en effet confirmé la nécessité de maintenir ces médicaments à disposition pour les femmes enceintes ou en âge de procréer, mais uniquement en cas d'intolérance aux autres traitements disponibles, ou si ceux-ci ont échoué.

Environ 70 000 femmes en âge de procréer recouraient encore à ce traitement en 2007. En 2016, 50 000 femmes étaient encore concernées. Il a fallu attendre 2015 pour que des restrictions dans la prescription de la Dépakine soient édictées, et juillet 2017 pour que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, décide de le contre-indiquer chez les femmes dans le traitement des épisodes maniaques des troubles bipolaires. On estime que, depuis 1967, entre 2 150 et 4 100 enfants ont été atteints d'une malformation congénitale majeure en France du fait d'une exposition à la Dépakine pendant la grossesse.

Face à cette réalité d'une particulière gravité, un fonds d'indemnisation des victimes a été mis en place par l'article 150 de la loi de finances pour 2017. Cette disposition a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée. Il est en effet du devoir de la solidarité nationale d'intervenir pour indemniser ces familles devant assumer les conséquences lourdes des malformations et des troubles neurodéveloppementaux.

Néanmoins, le recours à ce fonds d'indemnisation se révèle trop complexe. Le dispositif confié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM, requiert l'examen des dossiers par deux instances de décision. Les pièces justificatives demandées sont nombreuses, ce qui oblige les familles à recourir à un avocat. Cette procédure trop lourde peut être coûteuse pour les victimes. Ces coûts peuvent paraître dissuasifs pour les familles concernées, d'autant que, parmi les personnes ayant été exposées à la Dépakine, la part de celles qui sont couvertes par la CMU – couverture maladie universelle – est plus importante que dans le reste de la population.

En conséquence, comme l'a écrit notre collègue Véronique Louwagie dans l'exposé des motifs de sa proposition de résolution, « au 30 avril 2019, sur les 1 655 demandes d'indemnisation déposées, le comité d'indemnisation de l'ONIAM a rendu seulement 31 avis dont 15 notifiés aux familles et 2 acceptés par celles-ci ». Ainsi, seules deux procédures d'indemnisation ont abouti sur des milliers de cas possibles.

Le nombre de demandes d'indemnisation déposées semble également indiquer un faible taux de recours à ce dispositif d'indemnisation par les familles victimes du valproate de sodium. Cette situation n'est pas acceptable au regard de l'enjeu. Les familles lourdement affectées par les conséquences de l'utilisation de la Dépakine ont droit à réparation ; la solidarité nationale doit jouer à plein en leur faveur.

Force est de constater que le dispositif prévu pour l'indemnisation de ces victimes ne leur permet pas de pleinement faire valoir leurs droits. Il est donc nécessaire de simplifier le dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés. Nous remercions notre collègue Véronique Louwagie d'avoir proposé cette proposition de résolution particulièrement pertinente à l'examen de notre assemblée.

Ce texte répond à des attentes fortes, celles de milliers de familles qui espèrent une meilleure réponse de la part des pouvoirs publics aux graves difficultés qu'elles rencontrent du fait de l'exposition à ce puissant tératogène. Le groupe Les Républicains vous invite à l'adopter. Gageons que l'Assemblée saura une nouvelle fois faire preuve d'unanimité sur un sujet aussi grave !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.