Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 21h30
Haine sur internet — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Lorsque l'examen de la proposition de loi a commencé, nous nous posions des questions et nourrissions des doutes quant à la capacité du Gouvernement à apporter des réponses satisfaisantes aux réalités, aux actes et aux comportements que tous et toutes ici nous condamnons et dénonçons, souhaitant que leurs auteurs soient condamnés et leurs victimes accompagnées.

Les débats n'ont pas permis de nous rassurer et ont même suscité de nouvelles interrogations. Ainsi, l'article 1er, qui constitue pour nous le problème fondamental, a été le coeur de la discussion. Au travers ce texte, sous prétexte de responsabiliser les plateformes, vous déresponsabilisez l'État, alors que le rôle de celui-ci, comme celui de la collectivité et des services publics, est non seulement de sanctionner mais d'accompagner. Cela doit également être le rôle de la justice, de la police, des associations auxquelles il faut donner les moyens d'agir.

Les débats que nous avons eus sur ce texte s'inscrivent bien dans l'ensemble de votre politique : vous refusez d'accorder des moyens concrets, réels et matériels à toutes les institutions existantes qui servent l'intérêt général.

Vous choisissez, car cela est également conforme à votre vision politique – je pense aux débats sur la réforme de la fonction publique au cours desquels nous avons vu que, pour certains dans la majorité, le statut de fonctionnaire n'était pas si différent de celui d'agent contractuel privé – , de laisser les plateformes qui, comme Facebook, travailleraient avec vous et qui à ce titre se verraient décerner un label, faire le travail que devrait accomplir le service public de la justice et de la police, c'est-à-dire, notamment, l'accompagnement social.

Nous sommes donc en présence d'une vision fausse et biaisée de la façon de lutter contre les discriminations, car vous ne vous attaquez pas aux causes structurelles qui expliquent que, sur internet comme dans le reste de la société, des discriminations et des violences à l'encontre de différentes catégories de la population ont cours.

En fait, vous considérez que certaines tâches et responsabilités de la collectivité nationale doivent ou peuvent être assurées par des instances privées.

En outre, j'ai été particulièrement frappée par votre refus absolu d'aborder les débats de fond pour lesquels nous avons pourtant également été élus : il ne suffit pas simplement d'expliquer que, puisqu'il y a urgence, il faut agir vite, car on court alors le risque de faire n'importe quoi.

Nous avons également abordé les droits et libertés fondamentaux. Ce ne sont pas seulement des députés de la France insoumise qui vous le disent, mais des professionnels de la question, la Ligue des droits de l'homme, des avocats et des professionnels du numérique : ce que vous êtes en train de faire remet en cause certaines libertés fondamentales. L'actualité nous a récemment fourni des exemples concrets et réels des risques que vos choix leur font courir.

En vérité, les lois que vous avez fait voter et qui visent, d'après vous, à lutter contre les fake news mais qui remettent en cause des libertés fondamentales ont d'autant moins de poids que vous assumez, aujourd'hui, un tournant autoritaire : l'expérience des derniers mois, comme cette nouvelle proposition de loi, qui s'inscrit dans la trajectoire de votre gouvernement, le confirme.

Voilà pourquoi le groupe La France insoumise ne soutiendra absolument pas cette proposition de loi et se battra aux côtés des victimes pour que leurs droits soient garantis, pour que les discriminations reculent et pour que les libertés civiles et démocratiques soient préservées.

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