Intervention de Monica Michel-Brassart

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Protocole france-djibouti sur les compétences de la prévôté à djibouti — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonica Michel-Brassart, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Cette séparation n'a jamais été une rupture : la France et Djibouti sont restées amis, prolongeant ainsi les effets du premier traité d'amitié signé en 1862, sous Napoléon III.

Cette amitié et cette proximité naissent du fait que nous avons la langue française en partage, ce qui fait de Djibouti une exception dans cette région d'Afrique anglophone. Elles reposent aussi sur la présence continue de notre détachement militaire, les forces françaises à Djibouti, au bénéfice mutuel de nos deux pays. À Djibouti, la France déploie sa plus grande force à l'étranger à ce jour, avec environ 1 450 militaires. Ces derniers défendent l'intégrité du territoire djiboutien, participent à la surveillance des espaces aériens et maritimes et apportent un appui à la formation de leurs homologues. Ils jouent ainsi un rôle important en faveur de la sécurité de Djibouti.

Par ailleurs, la France est à Djibouti la seule force militaire avec une présence familiale. Les autres contingents militaires – américains, chinois, japonais – fonctionnent souvent en vase clos, et sortent rarement de leurs bases. À l'inverse, les familles des militaires français font leurs courses à Djibouti-Ville, mettent leurs enfants à l'école française… Cette communauté d'environ 4 000 ressortissants joue ainsi un rôle non négligeable dans l'économie de ce petit pays.

Comme l'ambassadeur de Djibouti, que j'ai rencontré à plusieurs reprises, me l'a répété, les forces françaises sont très bien accueillies à Djibouti. Elles y trouvent des terrains d'entraînement uniques et variés, et un positionnement stratégique sur le détroit de Bab-el-Mandeb, par où transitent 40 % des approvisionnements énergétiques mondiaux.

Notre relation avec Djibouti est donc privilégiée et exceptionnelle. Pourtant – beaucoup d'entre vous le diront sans doute – cette relation est menacée. Elle est menacée par notre relatif effacement de cette région du monde comme par la concurrence croissante d'autres puissances qui y prennent pied – parfois massivement, à l'image de la Chine, qui y multiplie les grands investissements.

Je crois pourtant que nous devons défendre la spécificité de notre relation bilatérale, et la porter à un niveau encore supérieur. La visite du Président de la République à Djibouti, au mois de mars dernier, a permis de réaffirmer l'importance que nous y attachons.

Les investissements chinois ne bénéficient que modérément aux Djiboutiens et accroissent dangereusement la dette du pays, qui demeure aujourd'hui parmi les plus pauvres au monde. En 2016, Djibouti était au 170e rang mondial sur 187 dans le classement de l'indice de développement humain. Cet indicateur justifie pleinement la réintégration, en 2013, de Djibouti dans la liste des pays prioritaires de notre aide au développement.

Pour se développer, Djibouti a besoin d'un partenariat équilibré et respectueux, que la France est en mesure de lui proposer. Depuis quelques années, nous avons relancé notre coopération bilatérale dans différents domaines.

Le domaine militaire a toujours joué un rôle moteur. En 2011, nous avons conclu un traité de coopération en matière de défense, qui est venu remplacer l'accord de défense qui nous liait depuis l'indépendance. Le protocole que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de cette rénovation de notre relation de défense.

Le fait même que Djibouti ait consenti à conclure un nouveau protocole régissant les compétences de la prévôté sur son territoire est le signe de l'attention particulière qu'il accorde à la France. Je rappelle en effet que notre pays a des détachements de prévôté auprès de toutes ses forces armées déployées à l'étranger, mais il n'y a qu'à Djibouti que les compétences des prévôts sont explicitement reconnues par l'État d'accueil, dans le cadre d'un accord spécifique.

À première vue, l'objet de ce protocole peut sembler très modeste et circonscrit : il s'agit d'actualiser les références juridiques d'un texte qui n'avait pas été révisé depuis 1980 et de prévoir quelques menus ajustements dans les missions des prévôts, qui vont plutôt dans le sens d'une plus grande sécurité juridique pour nos militaires et leurs familles. Bien que sa portée puisse sembler réduite, ce texte marque notre volonté politique mutuelle de rénover les fondements de nos relations et d'aller plus loin.

Par ailleurs, il est très opportun que nos prévôts bénéficient d'une base juridique solide pour exercer leurs missions à Djibouti. Leur présence permet à notre armée de disposer d'une capacité d'investigation immédiate pour faire la lumière sur des litiges impliquant les militaires ou leurs familles. Elle permet aussi de coopérer directement, sur le terrain, avec les enquêteurs djiboutiens, sans avoir à passer par les autorités françaises à Paris. La prévôté est donc une institution qui vient en soutien de la projection de puissance de nos armées, en sécurisant le cadre juridique et en fluidifiant la coopération avec les autorités locales.

Dans le contexte très concurrentiel de Djibouti, où de nombreuses armées sont désormais implantées, nos prévôts représentent un réel atout. Cette institution est une spécificité française – les autres armées sont accompagnées de détachements de police dont les missions sont souvent sensiblement différentes, plus axées vers la police militaire que vers la police judiciaire. Les prévôtés constituent donc l'un de nos points forts, que ce protocole permet d'ancrer solidement.

Pour toutes ces raisons, nous pouvons voter sans réserve le projet de loi autorisant l'approbation de ce protocole. Comme je l'ai souligné, il est important pour notre relation bilatérale avec Djibouti : il marque notre volonté commune de conforter notre partenariat stratégique, qui a toujours été tiré par la présence militaire de la France à Djibouti. Cependant, nous devons aussi entendre la demande de notre partenaire djiboutien, qui aspire désormais à ce que cette relation s'élargisse au-delà du champ militaire. L'ambassadeur de Djibouti avait notamment évoqué son souhait de dynamiser la diplomatie parlementaire. Étant chargée, au sein de la commission des affaires étrangères, du suivi d'une région qui englobe Djibouti, j'y travaille, en partenariat avec Bertrand Bouyx, le président du groupe d'amitié France-Djibouti. Nous allons continuer, à notre niveau, à étudier ce qui pourrait être mis en oeuvre.

Madame la secrétaire d'État, j'en appelle à vous pour que cette dynamique soit également entretenue du côté du Gouvernement. Je crois en effet qu'à l'heure où Djibouti est courtisé de toutes parts par des puissances qui ont vu tout l'intérêt qu'elles pouvaient en tirer, la France doit investir davantage dans ce partenariat aux bénéfices mutuels.

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