Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Cette séance était un vrai plaisir. Je retiens en premier lieu le très grand professionnalisme avec lequel les rapports ont été menés, rédigés et présentés, aussi bien la rigueur dans le choix des intervenants que des personnes auditionnées.

Je retiens ensuite la grande diversité des sujets traités, qui font intervenir la biologie, la physique, la chimie, les sciences cognitives, l'algorithmique. Certains d'entre eux sont entrés en résonance forte avec nos préoccupations à l'OPECST. Bien sûr, la mobilité hydrogène en fait partie, car ce sujet est dans l'air du temps au moment où le projet de loi d'orientation sur les mobilités se discute au Parlement. La justice algorithmique faisait également écho à la mission que j'ai menée sur l'intelligence artificielle. Quant à l'huile de palme, elle a fait l'objet d'une note présentée par Anne Genetet il y a quelque temps.

À plusieurs reprises, nous avons apprécié votre présentation extrêmement claire de la mobilité hydrogène, de même que la façon dont vous avez exposé la complexité du sujet de l'huile de palme. À chaque fois, nous avons constaté le soin pris à remplir votre mission, en présentant les aspects scientifiques et techniques d'un sujet, aussi bien que ses impacts sociétaux, en insistant bien sur la complexité et les obstacles parfois rencontrés. Faire passer l'idée que le véhicule à hydrogène ne va pas prendre feu, et surmonter la peur pour passer à son adoption, est important. De même, appuyer l'idée paradoxale qu'un boycott de l'huile de palme par l'Europe n'aboutirait pas à un bénéfice pour la filière mais exactement à l'effet inverse, allait contre l'intuition.

S'agissant de la justice algorithmique, vous vous êtes efforcés d'en démontrer les implications et les dangers, et avez mis en avant la prévention à mettre en place. Sur cet aspect de la justice algorithmique, cela m'a rappelé l'une des séances d'audition que nous avons eue avec un responsable de formation à Harvard. Cette personne nous expliquait l'intérêt de faire étudier côte à côte des étudiants en droit et des étudiants en informatique. Selon lui, le plus important était de grouper les étudiants dans la durée sur des projets, afin d'aboutir à un transfert de compétences et leur permettre d'apprivoiser une autre matière. Au cours des différentes interventions, nous avons bien l'impression de comprendre les tenants et aboutissants de l'outil, pour ne pas l'envisager comme une boîte noire devant un oracle. Ce dialogue entre les faits et la lutte contre les idées fausses est au coeur de la politique aujourd'hui. Il m'est arrivé, pendant ma brève carrière parlementaire, de voir des amendements rejetés, en raison des mots choisis pour les rédiger et les présenter, par peur de provoquer une polémique.

Le dernier sujet est le seul que nous n'ayons pas encore abordé à l'OPECST. Le président Longuet me confiait qu'il serait intéressant de nous y pencher. Le cerveau humain reste encore un objet beaucoup plus mystérieux que l'intelligence artificielle des boîtes noires, et il importe par conséquent de dépasser les préjugés. Un scientifique ne craindra-t-il pas de perdre en crédibilité en travaillant avec des chamanes ? Il nous faut bousculer les choses pour amener la conscience collective à les prendre davantage au sérieux.

Je remercie le Sénat de nous avoir démontré ce matin, en abritant cette séance, à quel point il est sensible au vent de la nouveauté.

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