Intervention de Thierry Benoit

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

La première, qui revient à augmenter les prélèvements, est évidemment à exclure. Le taux de prélèvements obligatoires, déjà élevé, devrait baisser de 1,2 point de PIB en 2019, notamment du fait des mesures renforçant l'attractivité de l'économie française, mais aussi de celles qui ont été prises en faveur du pouvoir d'achat à la suite du mouvement de contestation des gilets jaunes.

Le pouvoir d'achat des ménages doit être soutenu, mais il ne faudrait pas pour autant mettre fin à l'allégement de la fiscalité des entreprises, primordial pour l'attractivité, l'emploi et l'investissement dans notre pays. Notre groupe, je le rappelle, est attaché à la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés, pour atteindre un taux de 25 % d'ici à 2022, ceci afin de converger vers la moyenne européenne.

La vraie difficulté qui se présente à nous est de trouver le moyen de réduire efficacement les dépenses pour baisser le niveau de déficit, tout en ayant moins de recettes. Voilà, convenons-en, un dilemme cornélien. Par exemple, l'incertitude demeure quant au financement des mesures issues du grand débat que sont la baisse de l'impôt sur le revenu et la réindexation des petites pensions de retraite sur l'inflation – des dépenses qui s'élèveraient à environ 6,5 milliards d'euros.

Les magistrats de la Cour des comptes s'inquiètent, dans le rapport sur la situation et les perspectives de finances publiques pour 2019, du coût budgétaire de ces annonces et de leur compensation potentiellement insuffisante, qui entraînerait une dérive du déficit public d'ici à la fin du quinquennat.

Notre groupe a été surpris de constater que le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2020 ne précise pas davantage les économies destinées à compenser les mesures issues du grand débat. En effet, on y lit que ces économies seront réalisées en réduisant les niches anti-écologiques et celles qui se concentrent sur les très grandes entreprises. Pourtant la Cour des comptes reste, sinon très sceptique, du moins réservée, rappelant que l'impact des suppressions des niches fiscales opérées au cours des trois dernières années « n'atteint pas, à terme, 250 millions d'euros ».

Si la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques repose bien sur un effort en dépense, alors vous devrez présenter concrètement, monsieur le ministre, vos orientations. Sinon, je crains que l'on ne puisse pas qualifier cet exercice de sincère. Cette sincérité qui vous caractérise, que vous affichez depuis 2017 et que nous saluons, doit maintenant se vérifier au travers d'une véritable baisse des dépenses. Dans le cas contraire, les mauvais esprits pourraient commencer à penser que le Gouvernement financera ces mesures par le déficit et la dette.

On n'est d'ailleurs pas si loin de partager ce point de vue quand on constate que la prévision de déficit public est dégradée pour la période 2020-2022 par rapport à la trajectoire inscrite dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Ainsi les objectifs de déficit public pour les années 2020, 2021 et 2022 se dégradent-ils de 0,1 point de PIB, passant respectivement à 2,1 %, 1,7 % et 1,3 % du PIB. Cela représente tout de même une dérive de plus de 2 milliards d'euros chaque année, soit de 7 à 8 milliards en trois ans.

De même, si on établit une comparaison avec le précédent programme de stabilité d'avril 2018, la baisse d'ambition est encore plus flagrante puisqu'à l'époque le Gouvernement prévoyait de rétablir l'équilibre des comptes publics et même de dégager un léger excédent de 0,3 % du PIB en 2022. Ce n'est plus d'actualité aujourd'hui, car les mesures annoncées après la crise des gilets jaunes et le grand débat pèsent sur les finances publiques, et il est urgent de les financer.

C'est de nouveau le déficit structurel qui est le plus inquiétant. Comme les économies sur les dépenses ont servi à financer les mesures prises en faveur du pouvoir d'achat, le niveau du déficit structurel ne changera pas jusqu'en 2020, à 2,2 % du PIB, ce qui traduit une évolution d'à peine 0,2 point de PIB depuis 2017. Ainsi l'essentiel de l'effort est-il reporté sur les années 2021 et 2022 – la fin du quinquennat – avec une réduction de 0,3 point de PIB du déficit structurel au cours de chacune de ces deux années. Permettez-nous, monsieur le ministre, de douter de la réalité de cet effort constamment repoussé – en tout cas, elle trancherait avec le ralentissement des économies effectuées qu'on observe habituellement en fin de quinquennat.

La dette publique baissera moins vite qu'attendu en ratio de PIB et devrait se stabiliser à un niveau dangereusement proche des 100 % de PIB. Cela s'explique d'abord par une croissance moins forte mais aussi par une augmentation de la dette qui reste élevée. Il est d'ailleurs tout à fait possible, au vu du rythme d'évolution de la dette, que d'ici à la fin du quinquennat, celle-ci dépasse ce palier symbolique des 100 % du PIB. Ainsi, selon l'INSEE, à la fin du premier trimestre 2019, la dette au sens de Maastricht s'établissait à 2 358,9 milliards d'euros, en hausse de 43,6 milliards par rapport au trimestre précédent.

À cette allure, il paraît peu probable que nous réduisions significativement notre endettement d'ici à 2022. Voilà qui plaide à nouveau pour un véritable effort pour réaliser des économies : nous risquons de continuer d'alimenter la spirale infernale créée il y a plus de trente ans, la dette d'aujourd'hui étant l'impôt que paieront les générations futures.

La stratégie du Gouvernement consiste donc pour l'essentiel, semble-t-il, à reporter l'effort de redressement des finances publiques aux deux dernières années, 2021 et 2022, sans que les mesures permettant d'atteindre les objectifs d'économies ne soient précisées. Au vu de ses niveaux élevés de dette et de déficit, la marge de manoeuvre dont dispose notre pays pour faire face à un ralentissement conjoncturel ou à un choc financier est faible.

Dès lors, la poursuite du mouvement de baisse des prélèvements obligatoires doit impérativement s'accompagner d'un effort de maîtrise des dépenses publiques pour permettre à la France de garder pleinement le contrôle de ses choix budgétaires. La Cour des comptes le confirme dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques pour 2019.

Le groupe UDI et indépendants vous souhaite, monsieur le ministre, une trajectoire ambitieuse pour 2020 et le reste du quinquennat, une trajectoire qui permette à notre pays de sortir de son déficit chronique et mortifère. Nous vous accompagnerons, si vous acceptez de prendre ce chemin difficile : à notre échelle, nous ferons des propositions, sur ce qui constituera, à nos yeux, le point central du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

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