Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 11 juillet 2019 à 9h30
Débat d'orientation des finances publiques pour 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

La lecture de ce rapport nous donne l'impression que le Gouvernement ne porte jamais la responsabilité de ce qui ne va pas. Lorsqu'il est fait état d'une baisse de 0,6 point de la croissance en 2018 par rapport à 2017, celle-ci est uniquement attribuée à un « environnement extérieur moins favorable ». En revanche, lorsqu'il s'agit de cumuler le nombre des créations d'emplois, ce même gouvernement revendique sans problème les résultats de la moitié de l'année 2017 durant laquelle il n'était pas aux affaires. Nous serions presque tentés de croire qu'il n'existe aucun lien entre la situation actuelle et les politiques menées, en réalité similaires, ici ou ailleurs en Europe.

Malheureusement, la baisse de la croissance est le signe direct d'un appauvrissement de la population. On consomme moins, mais ce n'est parce qu'on aurait acquis les moyens de consommer mieux, non pas parce que l'on aurait tourné le dos à une politique consumériste ou à celle de l'obsolescence programmée. Bien au contraire, nombreux sont ceux qui ne parviennent plus à subvenir correctement à leurs besoins dans notre pays qui est, je le rappelle, la sixième puissance économique mondiale.

Comment en serait-il autrement, quand le Gouvernement se gargarise du recul « sans précédent » de la dépense publique, au détriment pourtant évident de l'intérêt du plus grand nombre ? Vous vous réjouissez que l'investissement des entreprises soit resté très dynamique en 2018. Cette fois-ci, puisque le chiffre vous plaît bien, vous ne rechignez pas à vous en attribuer les mérites, en rappelant vos baisses de l'impôt sur les sociétés. Je m'interroge toutefois : quelle fierté y a-t-il à faire des cadeaux de plus de 12 milliards par an aux entreprises – sur le dos de la population, puisque ce sont autant de recettes en moins, sans aucune garantie que la société bénéficie des investissements qui en résultent ?

Pouvez-vous nous dire quelle part de ces investissements se traduira par des créations d'emplois ? Pouvez-vous nous dire quelle part de ces investissements aura un impact écologique positif ? Pouvez-vous nous dire si ces investissements serviront concrètement l'intérêt général ? Permettez-moi d'en douter et de vous rappeler l'exemple du rapport annuel de Business France, qui faisait état d'une hausse des décisions d'investissements étrangers en France. M. Bruno Le Maire s'en était, là encore, félicité. Pourtant, il suffisait de se pencher sur ce rapport pour comprendre ce que ces chiffres masquaient. On y évoquait une hausse de 2 % : il ne s'agissait en fait que de vingt-six décisions d'investissement supplémentaires dans le pays par rapport à l'année précédente. Pourtant, les emplois créés ou maintenus du fait de ces décisions d'investissement sont en chute de 9 % : 1 000 emplois de moins créés par les investissements étrangers par rapport à 2017. Il n'y a donc pas de corrélation entre l'augmentation des investissements étrangers et celle des créations d'emplois, bien au contraire.

Et certains chiffres sont énormes : dans le secteur productif, la diminution des emplois créés ou maintenus s'élève à 30 %. Ce cas illustre parfaitement la manière dont vous présentez ce type de données sur les investissements.

De même, vous vous gargarisez du nombre de création d'emplois, mais 87 % d'entre eux concernent des contrats à durée déterminée – CDD – , dont un tiers pour une seule journée. En outre, la réforme de l'assurance chômage prévoit de limiter l'accès aux indemnités à ces mêmes travailleurs précaires et en CDD : la boucle est donc bouclée, et ce sont toujours les mêmes qui paient.

Par ailleurs, quelques jours, plus tôt, le président de la Cour des comptes relevait lui-même que les 1,5 milliard d'euros d'économies censées financer certaines « mesures gilets jaunes » n'avait toujours pas été précisées, ni suivies de textes, ce qui jette un sur doute la sincérité budgétaire dont fait preuve le Gouvernement. Pire encore, pour répondre à la critique, ce dernier promet des « efforts », entre guillemets, consistant en réalité à imposer encore plus d'austérité aux plus modestes : les allocataires de l'aide personnalisée au logement – APL – , les titulaires de contrats aidés ou encore les chômeurs.

Pendant ce temps, la baisse record que les prélèvements obligatoires ont connue en 2018 – 16,5 milliards d'euros de moins – n'a quasiment profité qu'aux plus riches, qu'il s'agisse de la suppression de l'ISF, du prélèvement forfaitaire unique ou de l'augmentation du CICE. Ce dernier dispositif, au passage, est de l'argent jeté par la fenêtre puisque, comme le démontrent toutes les études, il ne crée pas d'emplois. Au contraire : 50 millions d'euros ont été donnés en cinq ans à Conforama, entreprise qui a annoncé 2 000 suppressions d'emplois. À quoi donc a servi cette somme ? Je me suis posé la question ce matin, en apprenant que des salariés et des représentants syndicaux avaient interrompu la réunion du comité d'entreprise.

À l'inverse, le montant des impôts non progressifs, les plus injustes, ont augmenté : au total, la TVA a augmenté de 0,9 milliard par le biais de diverses mesures concernant notamment le secteur du logement et de la construction.

Ce dont le Gouvernement est donc si fier à l'heure du bilan, c'est donc de son rôle éternel de Robin des Bois inversé, qui prend aux pauvres pour donner aux riches, et aimerait en plus se faire applaudir pour cela.

D'autant qu'à l'austérité qu'il fait subir aux plus pauvres s'ajoute celle qu'il impose aux collectivités. Si l'on prend en compte l'inflation et la croissance de la population, on peut estimer que celles-ci ont subi en moyenne une diminution de leurs dépenses publiques de près de 2 points. Cette austérité leur est imposée par la contractualisation avec l'État, mais serait de toute façon inévitable, étant donné la baisse de leurs dotations et les menaces qui pèsent sur leurs recettes fiscales.

Le Gouvernement assume cette politique et revendique même le fait que les communes qui ont refusé la contractualisation « se sont vu notifier par arrêté préfectoral leur objectif d'évolution maximale. » Cela signifie que les 29 % de communes qui n'ont pas signé le contrat se tout simplement vu imposer une trajectoire d'évolution de leurs dépenses de fonctionnement, avec des pénalités en prime !

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