Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 17 juillet 2019 à 15h00
Accords entre l'union européenne et le canada — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

… et ratifier le CETA ? Elles pourront toutes être détruites immédiatement par cette instance de règlement.

Dans les démocraties, ce sont des citoyens élus qui effectuent cette tâche au sein des parlements. Voici donc le nouveau monde : c'est manifestement celui des technocrates tout puissants. Si les États ne sont pas d'accord avec ces normes ou décident d'en créer de nouvelles déplaisant aux multinationales, il est prévu qu'un tribunal de règlement des différends, l'ICS – Investment Court System – , aura pour but de protéger les investissements s'ils sont jugés lésés par une politique publique. J'ai bien évoqué les multinationales, parce qu'aucune PME ne sera assez riche pour engager ce genre de procédure. Et évidemment, les syndicats, les ONG et les citoyens n'y auront pas accès non plus.

Est ainsi créée une justice d'exception, qui donne des droits supérieurs aux investisseurs, notamment internationaux. Notre souveraineté est déjà bafouée par l'extraterritorialité du droit américain et son utilisation à tout bout de champ par Trump. Regardez comment il a réagi à l'annonce de la mise en place de notre taxe sur les GAFA, les géants du numériques. Alors, n'en rajoutons pas !

Pire, la mise en place de l'ICS engendrera une autocensure du législateur. C'est d'ailleurs le rapport de Mme Schubert, beaucoup cité cette après-midi, qui l'affirme : « Le risque identifié était celui d'une autocensure de la part des États souhaitant adopter des politiques environnementales ambitieuses, par peur des différends avec les investisseurs. » Eh bien voilà ! Tout est dit ! Lorsque, dans notre hémicycle, nous voudrons parler d'environnement ou de biodiversité, on nous rappellera que l'adoption de dispositions légales ambitieuses en la matière pourrait coûter très cher. Nous assistons donc à une mise en ordre juridique des échanges commerciaux, sur le dos des nations. Elle nous dévoile surtout la véritable guerre que mènent les entreprises multinationales contre la démocratie et la souveraineté des États.

Regardons les choses en face ! À l'heure où la biodiversité s'effondre, où le climat se dérègle à vue d'oeil et où les températures augmentent, à l'heure où les pôles fondent, où la mer monte, où la nature est fragilisée par l'action du système capitaliste mondial, vous avez bien entendu : la priorité, c'est le CETA ; la priorité, c'est de protéger les investissements et les investisseurs. Qu'importe la nature, qu'importent les températures, qu'importe le climat, qu'importe la biodiversité ! La seule chose qui doive être préservée en ces temps troublés, ce sont les investissements. Et ce n'est pas le ridicule veto climatique, bon uniquement à vous donner bonne conscience, qui y changera quelque chose. Ce ne seront que des recommandations, non contraignantes : il sera inopérant du fait de l'obligation d'obtenir l'unanimité du comité mixte du CETA sur cette question. On voit mal les membres de l'une des parties se prononcer pour un veto bloquant un projet émanant de son État.

Une autre chose est tout aussi grave : en raison de ce traité, celui que vous ne vouliez plus refaire, monsieur le secrétaire d'État, comme en raison de tous ceux qui suivront – avec le Japon, avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie, avec le MERCOSUR, le Vietnam, Singapour, le Chili ou encore le Mexique – , nous allons droit dans le mur. On nous explique en effet que, si l'agriculture européenne est menacée par l'importation de produits agricoles en Europe du fait du CETA, nous n'avons aucune inquiétude à nous faire puisque les technocrates de Bruxelles travaillent activement à ouvrir des quotas à l'exportation dans le cadre des prochains accords de libre-échange. Pas de doute : la logique de la fuite en avant est bien en place. Cette logique de la fuite en avant ne s'accompagne pas d'un soutien de l'Union européenne aux agriculteurs français, comme si leur mort n'avait aucune importance. Rien n'est prévu pour protéger notre agriculture de qualité de l'utilisation des activateurs de croissance dans la viande de boeuf, au Canada, rien, non plus, sur les farines animales. Je vous ai entendu à la télé il y a quelques heures, monsieur le secrétaire d'État, arguer qu'il ne s'agit pas des mêmes farines animales.

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