Intervention de Maurice Leroy

Réunion du jeudi 27 juin 2019 à 9h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaurice Leroy, vice-président de la CNE2 :

– Nous avons examiné la PPE en essayant d'imaginer ses conséquences sur la gestion des matières et déchets radioactifs. Une première chose nous frappe : toutes les recherches concernant les réacteurs à neutrons rapides (RNR) et leur déploiement sont repoussées à un horizon lointain. C'est un problème, car cela repousse d'autant toutes les recherches sur la transmutation, qui fondent le développement de ce type de réacteurs de quatrième génération.

Un second élément a une influence : l'absence de RNR pour consommer le plutonium conduit à voir augmenter progressivement la quantité de MOx usés, et par conséquent les besoins de capacités d'entreposage de ceux-ci. Pour éviter la construction de nouveaux entreposages, la PPE prévoit un multi-recyclage de l'uranium et du plutonium en réacteurs à eau pressurisée (REP). Ceci nécessiterait de déployer une nouvelle flotte de réacteurs EPR de deuxième génération, et de créer de nouvelles installations de fabrication et de retraitement d'un nouveau combustible MOx.

Une autre conséquence est celle de l'augmentation de l'inventaire des déchets de haute activité, en particulier ceux comportant le plus d'actinides mineurs.

Notre analyse des conséquences sur la gestion des matières et déchets radioactifs montre que la PPE s'écarte très significativement des objectifs de la loi de 2006. Le fondement d'une telle stratégie, qui repose sur une nouvelle gestion des matières et déchets radioactifs, paraît relativement fragile.

Cette nouvelle stratégie est souvent présentée comme une première étape dans la maîtrise d'un cycle du combustible RNR, puisque pour recycler de l'uranium et du plutonium dans des RNR, il faut aussi construire une usine de fabrication de combustibles et une usine de retraitement. La CNE2 remarque que ces investissements extrêmement lourds ne sont pas directement transposables à une nouvelle filière de RNR ultérieure, car les installations nécessaires ne sont pas exactement les mêmes. En définitive, des installations intermédiaires seront nécessaires pour réaliser le multi-recyclage de l'uranium et du plutonium en REP.

Par ailleurs, la France avait engagé le programme ASTRID, dans la lignée de Phénix et de Superphénix, ce qui la plaçait en pointe dans le domaine des RNR. Aujourd'hui, deux grands pays, la Chine et la Russie, montent significativement en puissance dans ce domaine. En Russie, les réacteurs à neutrons rapides BN-600 et BN-800 fonctionnent actuellement. La centrale nucléaire de Beloïarsk comprend un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium qui fournit à cette ville de l'énergie électrique et de l'eau potable, par désalinisation.

Un autre aspect préoccupe depuis longtemps la CNE2 : la physique, la chimie, et la physico-chimie des actinides sont des disciplines indispensables au développement d'une filière RNR, voire d'une filière de multi-recyclage de l'uranium et du plutonium en REP. Il faut garder une expertise dans ce domaine. Aujourd'hui, le retraitement est réalisé à La Hague. Nous devons continuer à avoir des spécialistes capables de gérer le parc actuel. Cette capacité scientifique et intellectuelle est importante. La CNE2 attire l'attention sur le danger, à terme, d'une pénurie d'experts. Après l'annonce de l'arrêt d'une filière, il est en effet relativement difficile d'attirer de bons cerveaux pour maintenir ce qui est en place.

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