Intervention de Murielle Chagny

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Murielle Chagny, Professeure de droit, directrice du master de droit de la concurrence :

S'agissant de la CEPC, le bilan est très positif d'un point de vue qualitatif. J'ai pu constater un vrai échange entre les parties prenantes et donc la possibilité de trouver des solutions et des compromis. Les avis sont rendus selon le principe de l'unanimité en séance et les relations sont tout à fait apaisées à l'intérieur de cette instance. C'est aussi une façon d'apaiser certaines choses en externe.

Les recommandations pourraient être développées, ce qui est déjà prévu dans les prérogatives. Nous sommes saisis pour avis mais nous pouvons aussi se saisir et adopter des recommandations. La présence au sein de la Commission de représentants à la fois des fournisseurs et des distributeurs pourrait être mieux exploitée. Cela s'est vu à travers l'exemple du guide sur les pénalités logistiques établi en décembre dernier et c'est un exemple à poursuivre.

Je vous remercie de me donner l'occasion de le souligner : il y aurait à réfléchir à une articulation avec la médiation. Sur un plan macro, nous avons déjà un rôle de médiation en quelque sorte, à travers les bonnes pratiques que nous pouvons signaler et les mauvaises pratiques que nous pouvons stigmatiser de façon non contraignante. Nous jouons aussi un rôle à travers les avis que nous rendons. À titre personnel, je souhaiterais voir se développer les avis rendus à la demande des juridictions, ce qui me paraîtrait opportun. J'ai parlé des moyens de la DGCCRF tout à l'heure mais les moyens de la Commission d'examen des pratiques commerciales sont réduits à presque rien. Je sais qu'en général tout le monde demande plus de moyens mais là, je dois dire que les moyens sont vraiment extrêmement réduits.

Je ne sais pas si j'ai répondu à l'ensemble de votre question pour la CEPC. Avec la réforme qui est intervenue, du point de vue des bonnes pratiques, les futurs membres pourraient essayer de travailler à l'intérieur de la Commission en vue de donner un cadre contractuel aux négociations, d'expliciter en quelque sorte, de donner une mise en musique pratique des négociations à la lumière des nouvelles dispositions. Cette recommandation de développement de bonnes pratiques pourrait être très utile, même si cela constituerait un travail de longue haleine.

Sur l'articulation du droit national et européen, face à des pratiques internationales, la question de l'application de la loi dans l'espace se pose. La loi de police peut répondre en partie à la question ; la directive sur les pratiques commerciales déloyales l'envisage bien en ce sens. Pour autant, la qualification de loi de police peut se trouver assez largement désactivée en cas de clause attributive de juridiction car en ce cas, une juridiction américaine par exemple ne va pas forcément être encline à appliquer la loi de police française. D'où l'intérêt de l'action du ministre de l'Économie car il n'est pas lié par la clause attributive de juridiction puisqu'il est tiers au contrat. Dans ce cas, il peut agir devant une juridiction française et faire appliquer le droit des pratiques restrictives.

Néanmoins, une intervention européenne peut dans certains cas avoir du sens, ne serait-ce que dans un but d'égalisation de la concurrence entre les opérateurs économiques car la volonté de protéger les fournisseurs peut parfois avoir des effets pervers dès lors qu'on va parfois être tenté de solliciter des fournisseurs d'un autre État membre. De mon point de vue, la solution n'est pas uniquement dans le droit de l'Union européenne mais il faut sans doute aussi y recourir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.