Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

La question est importante. Plusieurs amendements porteront encore dessus et, moi-même, j'en présenterai sous plusieurs formes afin de laisser un choix à notre commission.

Il s'agit de savoir si des gamètes ou embryons conservés dans le cadre d'un projet parental, par exemple dans la crainte du décès de l'homme possiblement soumis à une chimiothérapie ou gravement malade, peuvent être laissés à la libre disposition de la femme devenue veuve ou si nous devons décider à sa place.

Nous avons été sollicités, de façon assez formelle, par le Conseil d'État qui nous demande de compléter le texte par une disposition autorisant la PMA post mortem, pour deux raisons, l'une logique et l'autre pratique. La première est que, lors des révisions antérieures des lois de bioéthique, le législateur a toujours refusé d'autoriser la PMA post mortem au motif que cela aurait ouvert la PMA aux femmes seules. Aujourd'hui, dans la mesure où nous étendons le bénéfice de la PMA aux femmes seules, la logique veut que cet argument tombe.

La raison pratique est liée à une décision récente. En plusieurs circonstances, des femmes ont sollicité le droit d'utiliser des gamètes ou des embryons. Récemment, l'une d'entre elles a obtenu du Conseil d'État que ses embryons lui soient restitués afin qu'elle aille effectuer la PMA en Espagne. De ce fait, à l'avenir, les femmes placées dans des circonstances comparables pourraient être incitées à saisir le Conseil d'État afin de mener à bien leur PMA à l'étranger. La situation s'avère inconfortable.

J'ajoute, à titre personnel, que si nous récusions cette avancée, nous entraverions un choix parental formellement exprimé puisque, dans les couples concernés, la conservation des gamètes ou des embryons avait pour objet un projet parental. Il faut laisser la femme décider si, à la lumière des discussions qu'elle a pu avoir avec son compagnon, elle souhaite le prolonger ou l'interrompre.

Quelles peuvent-être les difficultés ? Celles tenant aux successions ont été aplanies, puisqu'il est de tradition, dans ces cas, que la succession soit différée. La raison commande tout de même de préciser que le projet parental ne doit pas être poursuivi de très nombreuses années après le décès, car on ne peut pas différer une succession de dix ans. Un délai d'un ou deux ans est très habituel. Les exemples sont nombreux, à l'heure actuelle, de successions différées pour des raisons moins importantes que la naissance d'un enfant.

Faut-il accorder cette possibilité dès le décès du conjoint ? Il apparaît plus raisonnable d'accorder un délai permettant de traverser la phase de deuil et donc de s'assurer que l'enfant à venir ne soit pas celui du deuil, et que la femme ne soit soumise à aucune pression au moment où elle décide de poursuivre ce projet parental.

En définitive, il me semble qu'il s'agit d'une question de confiance vis-à-vis d'une femme qui, une fois qu'elle a traversé la période difficile du deuil, est tout à fait apte à décider ce qui est le mieux dans son propre intérêt et dans celui de l'enfant à naître dans le cadre du projet parental qu'elle a initié avec son défunt conjoint.

Je suggère cordialement aux auteurs des amendements, en indiquant que je les approuve, de bien vouloir les retirer dans la mesure où cette disposition sera plus à sa place dans la partie du texte consacrée aux ruptures d'AMP.

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