Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

C'est à moi qu'il revient de défendre cette motion de rejet préalable du projet de loi dit « de bioéthique ». Même si le temps que vous m'accordez à cette fin est dérisoire, je vais le faire avec passion. Ce texte me paraît en effet plein de contradictions et d'incohérences, et surtout dangereux.

Dangereux tout d'abord, et avant tout, pour nos enfants. Durant nos travaux, vous n'avez cessé de répéter que ce texte n'était pas un projet de loi d'égalité, alors qu'il est manifestement fondé sur la notion d'égalité entre les femmes – visant à ce qu'elles puissent avoir des enfants indépendamment de leur sexualité ou de leur mode de vie. Pourquoi ce déni ? Parce que vous le savez bien, demain, c'est au nom de l'égalité, en vertu de ce droit à l'enfant que vous instaurez, malgré vos dénégations, que les couples d'hommes réclameront, exigeront et obtiendront le droit d'avoir recours à la GPA.

Vous avez beau soutenir le contraire, madame la ministre, vous nous trompez. Vous avez beau dire que la GPA restera interdite en France, vous savez pertinemment que vous lui ouvrez la porte. D'ailleurs, nous avons d'ores et déjà entendu évoquer l'étrange concept d'une « GPA éthique », c'est-à-dire sans contrepartie financière pour la mère porteuse. On voit bien que votre position fera long feu.

D'égalité, vous n'en parlez pourtant plus quand il s'agit des enfants. Le droit de certains d'entre eux d'avoir un père et une mère sera battu en brèche, sans que cela fasse sourciller au sein de votre majorité et alors même que le rapport de l'Académie nationale de médecine évoque une « rupture volontaire d'égalité entre les enfants » – cela tombe mal pour vous. Ce qu'il y a de plus grave, de plus choquant, de plus inacceptable dans ce projet de loi est là. Comment osez-vous, pour satisfaire un désir d'enfant certes compréhensible, légitime, prendre la décision d'organiser légalement et de graver dans le marbre le fait de priver des enfants de père ?

J'en suis sidérée, bouleversée. Vous jouez avec le feu – en bafouant au passage la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France, qui rappelle le droit de l'enfant à connaître ses parents. Visiblement, les conventions internationales ne pèsent pas lourd lorsqu'elles vous contrarient…

J'entends d'ici votre argument majeur : certains enfants élevés par un père et une mère sont malheureux. C'est indéniable. Mais cela revient-il à dire que les enfants élevés par un couple homosexuel ou au sein d'une famille monoparentale sont forcément heureux ? Oseriez-vous l'affirmer ? Bien sûr que non, mais vous donnez dans la démagogie. Le rapport de l'Académie de médecine explique pourtant que priver délibérément un enfant de père constitue « une rupture anthropologique majeure qui n'est pas sans risques pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant ».

Mais j'oubliais que vous discréditez les prises de position qui n'abondent pas dans votre sens… On se souvient des conclusions des états généraux de la bioéthique, écartées d'un revers de main. Pour vous, l'Académie n'est donc composée que de vieux ringards et a émis – pour citer vos propos, madame la ministre – un avis « daté ». Avoir un père, est-ce daté ? D'autres voix s'élèvent contre votre aventurisme : le Docteur Pierre Lévy-Soussan, psychiatre de renom, dénonce ainsi les études dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le rapporteur, et que vous invoquez à tout propos, comme réalisées « à des fins militantes », avec des résultats biaisés.

Appelons les choses par leur nom : en permettant aux femmes seules de recourir à la PMA, vous multiplierez les familles monoparentales, dont tous les rapports soulignent la fragilité. C'est proprement irresponsable. Dois-je vous rappeler que 20 % des bénéficiaires du RSA – revenu de solidarité active – sont des mères isolées ?

Je sais que vous hausserez les épaules à ce discours que vous qualifierez d'exagéré, si ce n'est d'extrémiste. Sans doute ne mesurez-vous pas la portée de ce que vous faites : disposer d'enfants à naître pour complaire à des coteries. Au nom du sacro-saint désir, vous prenez le parti des forts contre les faibles. Ce doit être cela, la modernité ; je vous la laisse. Parlant de votre projet de loi, François-Xavier Bellamy a dénoncé « les apprentis sorciers de la condition humaine ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.