Intervention de Florence Provendier

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorence Provendier :

Depuis maintenant vingt-cinq ans, la France a fait le choix de confier à la représentation nationale la responsabilité de trouver le point d'équilibre entre ce que la science propose, ce que la société revendique et les valeurs fondamentales qui soutiennent l'identité bioéthique de notre pays.

C'est une chance de pouvoir aborder des sujets aussi sensibles en toute liberté, dans le respect de nos différences, de nos singularités et de nos complémentarités. Je tiens ici à tous vous remercier pour nos réflexions partagées.

Le texte que nous allons examiner nous interpelle sur la place que nous voulons donner au progrès de la médecine et de la recherche au bénéfice de l'humain. Force est de constater que, depuis des mois, il engendre de nombreux débats et interrogations, qui vont bien au-delà du champ visé. Car si la bioéthique traite de l'éthique du vivant, en veillant par essence – grâce au progrès de la médecine et de la science – à ce qui est bon pour l'humain, elle nous renvoie avant tout à la vie et à notre mort.

Compte tenu de la pluralité des interventions, j'évoquerai trois points emblématiques sur lesquels j'ai plus particulièrement cheminé.

À n'en pas douter, l'intelligence artificielle en médecine devait trouver sa place dans le texte. L'IA est un pas important vers des diagnostics plus justes, un parcours de soin optimal et une meilleure anticipation des risques sanitaires. Le développement d'une médecine dite des quatre P – personnalisée, préventive, prédictive et participative – s'inscrit pleinement dans un futur souhaitable.

Pour autant, l'exploitation massive des données de santé par l'IA comporte le risque certain d'une utilisation dévoyée : il faut donc parfaitement l'encadrer. De surcroît, l'utilisation de l'IA ne doit en aucun cas suppléer l'humain, qui lui-même regorge de ressources de guérison naturelles infinies, encore non révélées. Il était temps de faire entrer l'IA dans la loi ; l'article 11 du projet de loi consacre l'intelligence humaine et notre libre-arbitre dans l'interprétation des résultats en cas d'usage d'un algorithme.

C'est toujours avec cette vision progressiste de la liberté, de l'humanité et de la solidarité, que l'intérêt supérieur de l'enfant s'inscrit au coeur du texte. Dans le secret de l'alcôve se crée l'enfant qui, le jour venu, a besoin de savoir d'où il vient pour se construire – quelle que soit la configuration de sa conception. Il est donc crucial de faire valoir le droit, pour tous les enfants conçus par AMP avec tiers donneur, d'accéder à leurs origines personnelles, sans bafouer le principe de non-filiation.

Les pédopsychiatres que nous avons auditionnés s'accordent à le dire : s'il sait d'où il vient, l'enfant aura plus de facilité à se construire. Si ce texte n'a pas vocation à obliger les parents à révéler à leurs enfants leur mode de conception, il nous appartiendra de veiller à ce que chaque enfant ait connaissance de son droit à connaître ses origines.

Le troisième point que je souhaite aborder relève d'un questionnement finalement éloigné de la bioéthique, qui n'a pas vocation à statuer sur le droit de la filiation, pas plus que sur la parentalité.

Ouvrir l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes soulève des interrogations légitimes sur la frontière à tracer entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable. L'avenir de l'enfant à naître doit prévaloir.

Les maternités célibataires ont toujours existé et le projet de loi n'est pas là pour juger de leur qualité. Le projet parental en solo dérange pour des raisons que l'on peut aisément comprendre eu égard aux normes familiales dominantes.

Si toutes les femmes par naissance ont les mêmes droits, la PMA dans un projet parental conduit par une femme seule n'aura-t-elle pas d'effets secondaires sur l'enfant qui en sera le fruit ? Face à l'urgence liée à l'horloge biologique, est-ce le rôle du législateur de trancher en ouvrant à toutes la possibilité de se lancer dans le parcours de la combattante que représente la PMA avec tiers donneur ?

À l'évidence, les multiples questions relatives à la parentalité soulevées par ce projet de loi doivent trouver une réponse collective dans un cadre approprié.

La commission sur les 1 000 premiers jours de la vie de l'enfant, créée la semaine dernière à l'initiative du Président de la République, composée d'une vingtaine d'experts et présidée par M. Boris Cyrulnik, a toutes les compétences pour définir les contours de la parentalité au XXIe siècle et donner ainsi les mêmes chances à chaque enfant, quelle que soit sa famille.

Il nous appartient donc d'examiner ce projet de loi pour ce qu'il est : un guide éthique qui accompagne les avancées de la médecine et de la science.

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