Intervention de Laurence Vanceunebrock

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vanceunebrock :

Trois femmes, trois ministres, pour des enjeux sociétaux de premier ordre ; la possibilité, enfin, pour les femmes, les couples, les enfants, d'obtenir certains droits, et aussi des devoirs. Avant vous, d'autres femmes ministres ont eu à coeur de défendre et faire progresser ces droits. Simone Veil, lors des débats sur l'IVG, s'exprimait ainsi : « Certains ont craint [… ] qu'en prenant acte d'une nouvelle image de la famille, on ne contribue à la détériorer. Il n'en a rien été et notre pays peut s'honorer d'une législation civile désormais plus juste, plus humaine, mieux adaptée à la société dans laquelle nous vivons. » Christiane Taubira demandait lors des débats sur le mariage pour tous : « Qu'est-ce que le mariage homosexuel va enlever aux couples hétérosexuels ? Rien. S'il n'enlève rien, nous allons oser poser des mots sur des sentiments et des comportements. »

Je réitère la question aujourd'hui : qu'est-ce que l'ouverture de la PMA à toutes les femmes va enlever aux couples hétérosexuels ? Rien. Ce projet de loi relatif à la bioéthique constitue un réel progrès social ; en cela, il s'agit d'un texte d'égalité. Il s'agit aussi d'un texte de sécurisation, en ce qu'il prévoit les conséquences juridiques de cette ouverture, avec la reconnaissance d'une filiation. Dans le cas d'un couple de femmes, les deux mères seront enfin reconnues comme telles, dès la naissance de l'enfant, car leur projet parental aura été établi en amont ; elles n'auront plus à craindre d'insécurité juridique pour leur famille. Chacune sera mère, qu'elle ait ou non porté l'enfant.

C'est donc bien la volonté de faire famille qui est reconnue par ce texte, ainsi que l'engagement que prennent deux parents de protéger leur enfant. J'appelle cependant votre attention sur la question de l'égalité entre les enfants au regard de la protection qu'ils méritent. Il ne faudrait pas que ce texte crée une inégalité en garantissant la sécurité à certains enfants seulement. C'est malheureusement ce à quoi aboutit la rédaction actuelle, et je tiens à présenter dès maintenant mes excuses aux familles homoparentales au cas où la représentation nationale ne parviendrait pas, au cours de l'examen du texte, à prendre en considération tous les enfants.

En premier lieu, il faut penser aux futurs parents qui, après la promulgation de la loi, se rendront à l'étranger pour bénéficier d'une PMA : dans ce cas, comment la filiation sera-t-elle établie ? Ensuite, cela fait des années que des couples de femmes vont faire des PMA à l'étranger : leurs enfants se trouveront toujours sans protection après la promulgation de la loi. Enfin, pensons aux femmes qui sont actuellement enceintes et dont les enfants naîtront avant la promulgation de la loi, à quelques semaines ou quelques jours près. Comment justifier que ces enfants n'aient pas les mêmes droits que ceux qui naîtront un peu plus tard ?

Pour ces familles, le quotidien est parfois très difficile. Une mère d'intention ne peut suivre l'état de santé de son enfant si on ne la laisse pas prendre de décisions médicales le concernant ; elle ne peut suivre sa scolarité si l'école ne reconnaît que le responsable légal ; les séjours à l'étranger sont soumis à la présentation d'une autorisation de sortie du territoire. Ces situations stigmatisantes rappellent à l'enfant que notre société, à ce jour, ne reconnaît pas sa famille. En outre, l'enfant est exclu de la succession ; au sein d'une fratrie, les enfants de l'une ou de l'autre mère n'ont pas droit au même traitement.

D'autre part, comment appréhender les séparations – qui peuvent survenir dans ces familles aussi ? Pour des parents hétérosexuels, la seule question est finalement celle de la répartition des jours de garde de l'enfant, alors que dans les familles homoparentales, l'un des parents, n'ayant aucun droit sur son enfant et ne bénéficiant d'aucune reconnaissance juridique, peut se trouver séparé de lui sans recours. Au-delà de la souffrance de la mère d'intention, ce kidnapping autorisé par notre pays a pour conséquence l'instabilité et l'insécurité de l'enfant, qui subit le déchirement d'être séparé de sa mère, et parfois de ses frères et soeurs, sans en comprendre les raisons.

Madame la garde des sceaux, j'ai cité des situations dans lesquelles l'intérêt supérieur de l'enfant est totalement oublié par nos lois. Le texte que vous nous présentez n'organise pour le moment que la filiation des familles recourant à une PMA avec tiers donneur, en France, à l'avenir. En nous en tenant là, nous risquons d'instaurer une inégalité entre des enfants conçus par la même technique. Je demande donc que le Gouvernement fasse preuve de sagesse à cet égard. Il ne faut pas que nous soyons les instigateurs de telles inégalités. Roselyne Bachelot considérait que « c'est l'honneur d'un parlementaire de voter selon sa conscience, et c'est l'honneur d'un groupe parlementaire d'accepter les différences ».

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