Intervention de Marie Tamarelle-Verhaeghe

Séance en hémicycle du mardi 1er octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Tamarelle-Verhaeghe :

On retrouve ici la tension, que j'ai évoquée dans mon intervention sur l'article, entre filiation sociale et revendication du droit aux origines. Je m'interroge d'ailleurs sur ce dernier terme, car les origines sont irréductibles à la biologie, de sorte que le choix du mot serait peut-être à revoir : ne faudrait-il pas parler plutôt, pour préciser ce dont il s'agit, d'« origines biologiques » ou d'« entité génétique » ? Voilà qui montre en tout cas que les deux dimensions dont nous parlons ne sont pas si faciles que cela à distinguer. Le questionnement à ce sujet est du reste transpartisan – à un degré inhabituel !

On a pu dire qu'il ne s'agissait pas ici d'une levée de l'anonymat, puisque celui-ci concerne le donneur et le receveur. Néanmoins, quand un jeune, ayant atteint la majorité, aura le droit d'accéder à l'identité du donneur, qu'est-ce qui nous garantit qu'il ne la révélera pas à ses parents ou qu'il ne la diffusera pas sur les réseaux sociaux ?

Par le présent amendement, nous proposons donc, comme le recommande le Conseil d'État, de modifier l'article 3 de sorte que ce soit au moment de la demande du jeune, et non au moment du don, que le tiers donneur donne ou non son consentement à la communication de son identité.

Comme le soulignait M. Fuchs, en vingt ans, il se passe beaucoup de choses dans la vie des gens. Ce n'est pas la même chose de faire un don à vingt ou vingt-cinq ans et d'apprendre que la personne née du don souhaite accéder à votre identité nominale. Nous proposons donc de préserver la possibilité d'accès aux données non identifiantes, ce qui permet de satisfaire le besoin de savoir comment était le donneur, quelle était sa physionomie, voire quelles étaient ses compétences intellectuelles, etc. L'identité nominale, c'est autre chose : il ne s'agit plus de biologie, mais de relations interpersonnelles.

Bien que l'on nous ait dit et répété, notamment Mme la ministre, que le stock de gamètes était aujourd'hui suffisant pour répondre aux demandes, que des campagnes supplémentaires seraient organisées et que la possibilité d'accès à l'identité du donneur pourrait même encourager de nouvelles populations à faire un don, et bien que l'on cite en exemple les pays étrangers, j'aimerais y voir de plus près. Le nombre de dons a certes augmenté avec les campagnes qui ont été organisées dans ces pays au moment où l'accès aux origines y a été rendu possible, mais d'où viennent ces dons ? De banques privées, de nouveaux modes d'abondement du stock de gamètes. Nous devons être très vigilants à cet égard. Le Royaume-Uni, en particulier, est souvent cité ; or les représentants des CECOS – centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme humains – ont produit des courbes montrant que ce sont les banques privées qui permettent de disposer d'un stock de gamètes suffisant.

Deux autres points, que j'ai déjà abordés, sont le droit au respect de la vie privée du donneur et la nécessité que son consentement soit éclairé – d'où notre souhait qu'il intervienne au moment où l'enfant issu du don formule sa demande.

Si les données non identifiantes doivent permettre au jeune concerné de disposer des informations dont il a besoin, le dévoilement de l'identité nominale devrait, lui, être subordonné au consentement du donneur au moment où le jeune en fait la demande – sachant que la commission d'accès peut oeuvrer en ce sens auprès des donneurs quand cela se révèle important pour le jeune, voire indispensable.

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