Intervention de Laetitia Saint-Paul

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Coopération et intégration franco-allemandes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Saint-Paul, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Je suis fière de me trouver aujourd'hui devant vous pour débattre de l'autorisation de ratification du traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes, dit traité d'Aix-la-Chapelle.

Le franco-allemand, c'est avant tout la grande histoire, celle de deux peuples qui, après avoir connu des décennies de guerre, de rivalités et de défiance, ont décidé de se donner la main pour construire une amitié profonde et sincère, portant les germes de l'Europe.

Il est impossible de parler de cette amitié sans rappeler que rien n'était écrit d'avance et qu'il a fallu la volonté de deux hommes que tout opposait pour que la grande histoire se mette en marche. Je parle bien sûr du général de Gaulle et du chancelier Konrad Adenauer.

À l'issue de sa rencontre avec le général de Gaulle, le 14 septembre 1958 à La Boisserie, le chancelier confia au président allemand : « J'ai dû abandonner tous les préjugés accumulés à partir des articles allemands et des discussions avec les Américains, car j'ai rencontré en de Gaulle un homme tout à fait différent. » Appréciant l'écoute et la franchise de son interlocuteur, le général de Gaulle déclara à son tour : « Tous deux, nous resterons, désormais, en contact personnel étroit. »

De 1958 à 1963, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer se rencontrèrent en tête-à-tête à quinze reprises et échangèrent une correspondance abondante.

Mes chers collègues, tel est l'héritage de nos illustres prédécesseurs : s'écouter, se rencontrer, discuter avec franchise et construire l'avenir au-delà des préjugés. Les dirigeants de nos pays se sont attelés à poursuivre cette action : le président François Mitterrand avec le chancelier Helmut Kohl ; le chancelier Gerhard Schröder avec le président Jacques Chirac, dont je salue ici la mémoire avec humilité ; la chancelière Angela Merkel avec les présidents Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron.

Le franco-allemand n'est pas que cette grande histoire. C'est aussi la petite histoire, celle de chacun d'entre nous, notamment la mienne, qui a été marquée par les conséquences concrètes de la mise en oeuvre du traité de l'Élysée.

J'ai grandi en Bretagne, à plus de 800 kilomètres de la frontière allemande, et rien ne me prédisposait à être ici devant vous. J'ai eu le plaisir d'être élève de l'une de ces fameuses classes européennes bilangues, résultat concret du traité de l'Élysée. La maîtrise de la langue de Goethe m'a permis, lorsque j'ai servi sous les drapeaux, d'être la candidate idéale pour commander une compagnie de la brigade franco-allemande – autre conséquence du traité de l'Élysée.

Cette passion du franco-allemand m'a conduite jusqu'à la tribune ce matin. Je sais que nombre d'entre vous partagent une histoire semblable à la mienne. Le franco-allemand, c'est donc à la fois la petite et la grande histoire.

Permettez-moi de rappeler les étapes importantes qui ont consacré la grande marche vers ce nouveau traité entre la France et l'Allemagne. Signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle, ce texte fait suite à la déclaration commune de la chancelière Angela Merkel et du Président de la République du 22 janvier 2018, ainsi qu'à la résolution conjointe adoptée le même jour par le Bundestag et l'Assemblée nationale. Ces rappels seraient incomplets si je n'évoquais pas le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, au cours duquel le Président de la République a fait part de sa vision pour une Europe souveraine, unie et démocratique.

J'entends dire que ce traité serait sans ambition. Est-ce manquer d'ambition que de donner à nos deux pays, et donc à l'Europe, de nouveaux instruments de souveraineté en matière de défense, de sécurité et d'accès à l'espace ? Et de les doter d'une ambition face aux transitions écologiques et numériques, face au défi migratoire ?

J'entends dire également que ce traité marquerait le renoncement de la France. Comment cela pourrait-il être alors qu'il consacre le respect de la promesse de nos pères fondateurs, au rang desquels le général de Gaulle, homme pour qui la liberté et l'indépendance de la France étaient les guides en toute circonstance ?

Pour certains, le traité d'Aix-la-Chapelle manque d'ambition ; pour d'autres, il en a trop. Rien de tout cela n'est vrai. N'ayons pas peur d'être les héritiers de notre histoire. Il faut relativiser les divergences du quotidien et transmettre la confiance aux générations futures. Leur avenir n'est ni dans le repli sur soi ni dans la haine des autres ; il est dans la confiance et la recherche d'un nouvel idéal commun.

Ce texte, porteur d'une grande ambition, ouvre une ère nouvelle dans la relation entre nos deux pays. Cinquante-six ans après le traité de l'Élysée, qui visait la réconciliation, ce nouvel accord a pour objectif la convergence franco-allemande, afin de relancer l'intégration européenne. Il n'abroge pas le traité de l'Élysée ; il le complète pour prendre en compte les évolutions politiques liées à la construction européenne.

Ce traité engage notre action dans les domaines où il est essentiel que nos deux pays avancent ensemble, pour que l'Europe soit en mesure de faire face aux défis auxquels elle est confrontée : réchauffement climatique, insécurité aux portes du continent, remise en cause du multilatéralisme, économie du numérique, guerre commerciale.

Mme la secrétaire d'État l'a rappelé, une liste de quinze projets prioritaires a été établie – elle figure dans l'étude d'impact – pour donner rapidement une traduction concrète à ce traité. Je pense en particulier au fonds citoyen commun, qui fait l'objet dès cette année d'une disposition du projet de loi de finances – nous comptons tous sur vous à ce sujet, madame la secrétaire d'État – , à la plateforme numérique, aux liaisons ferroviaires transfrontalières et aux instituts culturels franco-allemands.

Mes chers collègues, je pense que ce traité est important, parce qu'il permet de redonner du sens politique et une dynamique populaire à une relation peut-être devenue un peu trop routinière. Désormais, cette relation n'est plus exclusive ; elle est mise au service de l'Europe tout entière.

Je pense que ce traité est nécessaire, parce qu'il incite à renforcer notre culture politique du partenaire allemand, alors que persistent de nombreux stéréotypes qui perturbent aujourd'hui encore notre relation.

Je pense que ce traité est novateur, parce qu'il associe les parlementaires à cette nouvelle dynamique de coopération. C'est important car, sur beaucoup de sujets, le Bundestag est un acteur institutionnel clé en Allemagne. Nous aurons donc un rôle à jouer, tant dans l'hémicycle et en commission qu'au sein de l'Assemblée parlementaire franco-allemande. Celle-ci aura un rôle de première importance dans de nombreux domaines : compréhension de nos modèles démocratiques respectifs, rapprochement des visions stratégiques, coopération en matière d'aide publique au développement, exportations d'armes – entre autres.

Aussi, je vous invite à autoriser, par votre vote, la ratification du traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes, dit traité d'Aix-la-Chapelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.