Intervention de Isabelle Rauch

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Coopération et intégration franco-allemandes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch :

Je remercie très sincèrement la rapporteure, Laetitia Saint-Paul, au nom de la présidente Marielle de Sarnez, qui n'a pas pu être parmi nous ce matin, et en mon nom propre, pour l'excellence et la précision de son rapport.

Cinquante-six ans après le traité de l'Élysée, qui a scellé la réconciliation franco-allemande, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes, que nous connaissons mieux sous le nom de traité d'Aix-la-Chapelle. Mme la rapporteure l'a rappelé, il a été signé le 22 janvier dernier par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel.

Avant toute chose, permettez-moi de rappeler qu'il s'agit d'une initiative française. Elle émane du Président de la République qui, lors de son discours fondateur prononcé à la Sorbonne dès le 27 septembre 2017, quelques mois seulement après son élection, a proposé à l'Allemagne un nouveau partenariat. Ce discours a été suivi, le 21 janvier 2018, par une déclaration conjointe du Président de la République et de la chancelière ayant pour objectif d'élargir la coopération franco-allemande.

Pourquoi un nouveau partenariat, me demanderez-vous, alors que les relations entre nos deux pays n'ont jamais été aussi denses et ont largement, et depuis longtemps, dépassé le stade de la réconciliation ? Tout simplement parce que les défis que notre génération doit relever ne sont pas ceux de l'après-guerre. Je citerai simplement la préservation de l'environnement ou la question migratoire, qui ne soulevaient évidemment pas les mêmes questions dans le « monde d'hier », pour paraphraser un grand écrivain européen de langue allemande. Nous ne pourrons faire face à ces enjeux qu'ensemble, et une convergence accrue ne pourra que renforcer notre efficacité. C'est tout le sens du traité d'Aix-la-Chapelle : passer d'une logique de réconciliation à une logique de convergence.

Qu'est-ce donc que le traité d'Aix-la-Chapelle ?

C'est tout d'abord un traité concret, en ce qu'il touche à la vie même de nos deux pays. Mme la rapporteure en a donné la meilleure illustration en parlant d'éducation et de bilinguisme. C'est en effet le traité de l'Élysée qui, grâce à l'Office franco-allemand pour la jeunesse, a permis à des millions de jeunes des deux pays de se connaître et d'échanger. Le traité d'Aix-la-Chapelle va plus loin : il prévoit des stratégies visant à faire du bilinguisme la règle, notamment dans nos zones frontalières.

Il organise aussi la coopération de nos sociétés pour une transition écologique réussie, qui dépassera la question éternelle du charbon allemand contre le nucléaire français. Il relance la coopération transfrontalière en dotant les collectivités territoriales de prérogatives nouvelles qui leur permettront de mener des actions concrètes avec leurs homologues allemandes. Lorsque l'on connaît la persistance de notre jacobinisme et l'importance de leur fédéralisme, c'est un tour de force !

Il prévoit enfin la possibilité de créer des champions franco-allemands afin de conduire une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle, face à la montée en puissance de la Chine et à la politique économique très offensive de Donald Trump.

C'est ensuite un traité au service du projet européen. À l'heure du Brexit, nous avons un besoin impérieux d'un couple franco-allemand solide, capable de faire fonctionner une Union européenne au service des peuples et de la projeter vers l'avenir. On peut ainsi voir le traité d'Aix-la-Chapelle comme une coopération renforcée : rien n'empêchera d'autres États de s'insérer dans les politiques publiques qu'il met en place. En définitive, ce traité qui vise à accélérer la convergence franco-allemande peut être vu comme un embryon de l'Europe des cercles concentriques, le centre étant constitué de pays de plus en plus intégrés entre eux. C'est peut-être là une voie qui peut redonner confiance dans l'idéal européen.

C'est enfin le projet de deux grands pays européens au service du multilatéralisme et de la paix, à l'heure où ces idéaux sont tant bousculés.

Au sein des instances internationales, nos deux pays promeuvent des valeurs convergentes. Or celles-ci seront d'autant mieux défendues qu'elles le seront d'une même voix par la France et l'Allemagne. Sans remonter à la guerre d'Irak de 2003, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, je citerai l'accord sur le nucléaire iranien : aux côtés des grandes puissances membres du Conseil de sécurité des Nations unies, donc de la France, l'Allemagne a joué un rôle fondamental au moment de la conclusion de l'accord, mais aussi lors du retrait des États-Unis, dans le but de maintenir le dialogue avec l'Iran. Par le présent traité, la France s'engage à plaider pour l'intégration de son voisin d'outre-Rhin comme membre permanent du Conseil de sécurité, afin notamment de renforcer la vision du monde que nous partageons.

Géant économique, l'Allemagne n'est plus le « nain politique » qu'elle était à l'époque du général de Gaulle et de Konrad Adenauer. Son armée est présente sur de nombreux théâtres d'opérations, à nos côtés, par exemple dans le Sahel. L'effet d'entraînement du couple franco-allemand est significatif sur les autres partenaires européens. C'est ce type de progrès qui est attendu du traité d'Aix-la-Chapelle. Le conseil franco-allemand de défense et de sécurité, en particulier, aura pour objectif premier de renforcer la capacité d'action autonome de l'Europe.

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