Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Bioéthique — Article 4

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

« Qu'y a-t-il de mieux que le droit commun ? », nous demande Mme Battistel. Nous pensons au contraire que la simple extension du droit commun ne constitue pas, ici, une solution correcte.

Il faut d'abord interroger la notion même de droit commun car elle n'est pas évidente. Il me semble qu'au fond, en la matière, il n'y a pas un droit commun, mais, jusqu'à aujourd'hui, un mode d'établissement classique de la filiation, fondé sur la procréation charnelle et auquel, de toute évidence, les couples de femmes ne peuvent pas se rattacher. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons un dispositif différent.

Je précise que, jusqu'à présent, le droit de la filiation était essentiellement fondé sur l'idée d'altérité sexuelle. C'est d'ailleurs ainsi qu'il faut interpréter l'article 320 du code civil – l'une des pierres angulaires de ce code – qui ne permet l'établissement que d'une seule filiation pour chaque branche.

Le Conseil constitutionnel écrit ainsi, dans sa décision du 17 mai 2013 relative au projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, que « l'article 320 du code civil, qui figure au sein de ce titre VII, dispose : " Tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait " ; que, par suite, les dispositions de cet article font obstacle à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant ; qu'ainsi, en particulier, au sein d'un couple de personnes de même sexe, la filiation ne peut être établie par la présomption de l'article 312 du code civil ». Voilà la situation actuelle.

Si nous voulons nous affranchir du cadre juridique de l'article 320, il faut inventer autre chose, adopter d'autres dispositions en élaborant des règles particulières pour que la filiation puisse s'établir, comme nous le souhaitons, pour un couple de femmes. C'est la raison pour laquelle nous créons un autre système, un peu différent. Nous estimons en effet qu'il est juridiquement impossible de se contenter d'une simple transposition du droit en vigueur. Si nous voulions, en particulier, transposer l'article 311-20 du code civil, il faudrait réécrire l'ensemble de ce code, mais, comme nous l'avons déjà dit, ce n'est pas l'option que nous avons choisie.

Par ailleurs, je tiens à le répéter, nous ne pouvons pas accepter que deux femmes deviennent mères uniquement par intention. Ce n'est pas uniquement par un processus de volonté que deux femmes peuvent devenir mères.

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