Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Madame la garde des sceaux, vous tentez de tenir sur une ligne de crête à travers les dispositifs de la filiation pour les couples de femmes. D'ailleurs, même si le texte dispose clairement que la filiation est établie à l'égard de chacune d'entre elles par la reconnaissance, vous précisez toujours que l'accouchement est une condition non suffisante mais indispensable. Je crois que ce sont les termes que vous avez employés en commission spéciale. Il existe une réalité corporelle, ou biologique, selon le terme que vous préférez, qui ne peut être niée. La fragilité de cette ligne de crête permet à des collègues comme Jean-Louis Touraine, dont on salue la constance philosophique, de s'engouffrer dans les interstices pour promouvoir la notion de procréation sans sexe et finalement de filiation sans sexe. En ce sens, l'amendement de M. Gérard est plus clair dans sa rédaction et son esprit. C'est imposer aux couples hétérosexuels ayant recours à l'AMP avec tiers donneur un acte de reconnaissance anticipé qui nie totalement la réalité biologique pour la mère et la vraisemblance pour le père, puisque la seule déclaration anticipée créerait le lien de filiation.

Pardonnez-moi d'être caricatural durant deux minutes, mais je tiens à vous démonter la fragilité de ces dispositifs et les contentieux qui ne manqueront pas de naître puisque ce champ ne couvre pas la totalité des situations. Nous l'avons constaté au travers de nos amendements, sans compter les difficultés qui peuvent surgir au sein d'un couple de femmes comme au sein de tout couple.

Ne négligeons pas, par ailleurs, le risque d'inconstitutionnalité du texte au regard de la situation de la femme seule qui a recours à la PMA avec tiers donneur et pour qui l'accouchement vaudra filiation, non le projet parental. À situations égales du point de vue de la femme, le traitement juridique sera différencié. Peut-être le Conseil constitutionnel sera-t-il amené à se prononcer sur ce point.

Je reviens à mon raisonnement que je caricature à dessein pour mettre en évidence la fragilité d'un dispositif qui s'appuierait sur le seul projet parental et ferait primer l'expression de la volonté.

Peut-être Jean-Louis Touraine y a-t-il pensé, dans sa logique de procréation et de filiation déconnectées de tout caractère sexuel. Imaginons que la reconnaissance anticipée le soit, non du caractère de mère et de père, mais de la parentalité.

Et, pour être caricatural jusqu'au bout, on peut imaginer que cette reconnaissance anticipée de parentalité permettra demain, dans un couple hétérosexuel ayant eu recours à l'AMP, au père de revendiquer le statut de mère et à la mère le statut de père. Et l'on finira par imposer la même chose aux couples ayant suivi la voie charnelle de procréation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.