Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du mercredi 9 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Seconde délibération

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Permettez-moi de m'adresser d'abord à Mme la garde des sceaux pour la remercier d'avoir écouté les personnes concernées, les associations et les parlementaires, afin de faire évoluer le cadre de la filiation après une PMA.

En ce qui concerne la filiation après une GPA effectuée à l'étranger et les droits fondamentaux des enfants, je sais que nous partageons les mêmes objectifs. Mon amendement, voté de façon régulière jeudi dernier, a simplement pour but de régulariser de façon plus assurée, moins aléatoire et moins lente la situation des enfants concernés, qui ne peuvent être tenus pour responsables de leur mode de conception et ne doivent plus être privés de leurs droits fondamentaux. Lors de la campagne électorale de 2017, le Président de la République avait d'ailleurs fait part de la nécessité de « reconnaître l'existence et donner un statut juridique aux enfants qui vivent en France et qui sont nés de GPA à l'étranger, car ces enfants ne peuvent pas en être les victimes ».

Chacun comprend bien que cet amendement ne comporte nulle justification, nul encouragement, nulle proposition d'autoriser une quelconque GPA. Si nous reprochons aux parents leurs actes, c'est à eux qu'il faut le signifier, non aux enfants. Il s'agit ici exclusivement de protéger des nourrissons et des enfants souvent en mal de filiation. La jurisprudence toute récente de la Cour de cassation, qui vient d'être mentionnée, confirme la justesse de l'approche modérée de cet amendement.

De quoi s'agit-il ? Ces enfants voient leur filiation reconnue dans le pays où ils naissent, ce qui établit des liens nécessaires et protecteurs avec leurs parents. Or, lorsque les enfants arrivent en France, leur mère n'est plus reconnue, celle-ci devant abandonner son statut et, éventuellement, entreprendre une procédure d'adoption. Cette procédure est aléatoire, ne s'applique que lorsque les parents sont mariés et implique un délai pouvant s'étendre sur plusieurs années ; l'enfant est donc mis en péril.

Une garde des sceaux précédente avait tenté de résoudre par une circulaire, qui n'a malheureusement pas procuré tout le bénéfice escompté, ce grave problème pour lequel la France a été condamnée cinq fois par la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour de cassation appelle d'ailleurs les parlementaires à prendre leurs responsabilités et à adresser un message sans équivoque aux cours de justice afin d'éviter les grandes disparités régionales que nous connaissons et que vous avez évoquées. Il nous revient, à nous députés, de légiférer ! L'exécutif complétera les modalités d'application, tandis que le judiciaire appliquera les règles que nous aurons votées.

J'insiste sur le fait que cet amendement ne prévoit en aucune manière la transcription automatique de l'état civil étranger, laquelle sera soumise à l'évaluation et au contrôle de l'autorité judiciaire française, sur le modèle existant pour l'adoption internationale. Ainsi la justice française décidera-t-elle, pour chaque cas individuel, s'il convient de proposer la transcription de l'état civil ou de lancer une procédure d'adoption. Dans ce dernier cas, il lui reviendra de garantir son effectivité rapide, même lorsque le couple parental n'est pas marié.

De cette manière, chacun sera dans son rôle : le législateur formule les possibilités légales permettant de respecter les droits fondamentaux des enfants ; le judiciaire applique la loi en conformité avec les circonstances précises et spécifiques ; l'exécutif s'assure de la bonne application de la loi sans inégalité sur l'ensemble du territoire. C'est ce à quoi nous exhorte la Cour de cassation, le Défenseur des droits et les diverses instances sensibles à l'éthique et à la protection de l'enfant.

Madame la garde des sceaux, j'ai toute confiance dans votre intention de rédiger la circulaire la plus protectrice possible, mais celle-ci, vous le savez, demeurera beaucoup plus fragile que la loi : elle sera, comme nous l'avons vu par le passé, contestée par certaines cours et laissera des enfants sans filiation pendant des années.

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