Intervention de Ernestine Ronai

Réunion du mardi 1er octobre 2019 à 19h15
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes, co-présidente de la commission Violences de genre du HCEfh :

Je partage votre analyse : il est très important que les lieux de soins soient adossés à l'hôpital. En Seine-Saint-Denis, nous avons la Maison des femmes, installée à SaintDenis et adossée à l'hôpital. Y interviennent des médecins, des gynécologues, des psychologues pour les soins, mais également un policier qui vient prendre la plainte si la victime le souhaite. Les associations sont également présentes ; c'est un lieu complet.

Nous allons avoir bientôt la même chose à l'hôpital Ballanger à Aulnay-sous-Bois qui a été reconnu centre de psychotrauma et centre de référence pour les violences faites aux femmes. Les enfants y sont hospitalisés en pédiatrie en cas de féminicide avec des soins en pédopsychiatrie.

L'idée serait de créer, ailleurs en France, un certain nombre de lieux de ce type auprès des hôpitaux. Y seraient délivrés des soins en psychotrauma ; un médecin légiste pourrait être là – à temps plein ou pas – pour faire les prélèvements et les certificats médicaux lorsque c'est nécessaire ; un policier se déplacerait pour prendre la plainte sur place dans un lieu sécurisé. Le lieu de psychotrauma est un lieu sécurisé où on a déjà parlé avec la femme et on l'a déjà apaisée, ce qui fait qu'elle pourra raconter les choses de manière précise et peut-être plus cohérente que si elle arrivait tout de suite au commissariat en étant très traumatisée. On pourrait déployer ce dispositif dans un certain nombre de départements en France à titre expérimental. Ce système existe déjà pour les violences sexuelles en Belgique. Le « protocole féminicide » que j'évoquais pourrait aussi être étendu à titre expérimental ailleurs en France. En tout état de cause, il est très important d'adosser les soins à un hôpital et de s'ouvrir au psychotrauma, à la gynécologie, etc.

En France, nous comptons 44 ou 46 unités médico-judiciaires, c'est-à-dire qu'il n'y en a pas dans tous les départements, puisque nous avons plus de 100 départements. Nous avons des médecins légistes plus ou moins répartis sur le territoire. Par exemple en Corse, il y a un médecin légiste pour toute la Corse. Il faut que les femmes aient la possibilité d'y aller sans forcément avoir porté plainte, c'est-à-dire, que l'on puisse recueillir leur parole, voir les ecchymoses, procéder à tous les examens utiles et établir un certificat médical précis, détaillé, même si elles n'ont pas porté plainte.

Même si la femme a été gravement victime, il lui est difficile d'aller porter plainte tout de suite ; en revanche, si elle a des traces, elle va souvent à l'hôpital. Si on établir alors un certificat médical détaillé, cela donnera de la crédibilité à sa parole. Cela l'aidera aussi la victime : si le certificat médical établit qu'elle a des ecchymoses, qu'elle a été violée,… cela va l'aider à prendre conscience de ce qui s'est passé et donc l'aider à ensuite aller déposer plainte. À Bordeaux où ce dispositif existe, nous sommes passés pour les viols de 10 % de plaintes à 30 %. Bien accompagnée, une femme portera davantage plainte que si elle est mal accompagnée et si elle a peur de porter plainte. En facilitant le dépôt de plainte, on participe aussi à la mise en sécurité de la victime.

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