Intervention de Marie-Pierre Rixain

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 18h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, présidente :

Je suis ravie d'accueillir M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, à l'occasion du travail mené par la délégation aux droits des femmes en parallèle du Grenelle des violences conjugales lancé le 3 septembre dernier par Marlène Schiappa aux côtés du Premier ministre Édouard Philippe.

Comme je l'ai dit à vos collègues Mme Nicole Belloubet et M. Christophe Castaner, que nous avons également auditionnés récemment, je tiens à vous remercier pour la rapidité avec laquelle nous avons pu organiser cette audition. Cette rapidité traduit, je le sais, l'ensemble de la mobilisation du Gouvernement autour de la lutte contre les violences faites aux femmes.

« Quand j'entendais le bruit de sa clé dans la serrure au petit matin, je ne savais jamais quel serait mon sort. Virée du lit à coups de pied ? Virée de l'appartement avec cinq minutes pour faire mon sac et me retrouver dehors à quatre heures du matin sans sous-vêtements, juste le temps d'enfiler un jean, un sweat, mais surtout sans nulle part où aller ? ». C'était le témoignage de Camille, 34 ans, le 25 novembre 2014 pour le magazine Elle.

La maison, l'appartement, le lieu de l'intime, synonyme de sécurité et de protection, deviennent très vite, dans un contexte de violences conjugales, le lieu de tous les dangers, où tout peut arriver dès que l'on entend le bruit de la clef dans la serrure.

Déjà au début des années 1970, Erin Pizzey, militante féministe britannique, décrivait dans son livre Crie moins fort, les voisins vont t'entendre les femmes et les enfants victimes de violence conjugale comme des prisonniers enfermés dans un château fort. Ces récits nous font aisément comprendre à quel point il est crucial, voire vital, d'accompagner une victime prête à la séparation au dépôt de plainte, mais également de sécuriser et d'organiser sa décohabitation avec l'auteur des violences.

Ce qui se joue dans le principe même de décohabitation, c'est la concrétisation de l'autonomie des femmes qui décident de partir et de créer leur « chez elle », ce qui est souvent vécu par l'agresseur comme une perte de pouvoir et de contrôle.

Dans ce cadre, rappelons que la loi du 4 avril 2006, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat, a marqué un véritable changement de paradigme. Les violences conjugales ont alors glissé de la sphère privée, où l'agresseur agit impunément, vers un phénomène social, public, où le législateur est intervenu afin de mettre en place un arsenal juridique prévenant et réprimant ces agissements.

Pour ce qui est plus spécifiquement du logement, rappelons la loi du 4 août 2014 qui a fait de l'attribution de la jouissance du domicile au conjoint non violent une règle, et non une exception. Toutefois, nous le savons, l'éviction du conjoint violent reste exceptionnelle, les ordonnances de protection sont accordées avec parcimonie et seulement 60 % d'entre elles attribuent la jouissance exclusive du logement au conjoint non violent. Il nous reste à améliorer la coordination des dispositifs de mise à l'abri et d'accès au logement, en développant ainsi qu'en mettant en oeuvre le plus de moyens possible, efficaces, pérennes, susceptibles de s'adapter au maximum aux situations hétérogènes vécues par les victimes.

En effet, ce qui est primordial pour que le processus de sortie des violences soit effectif et durable, c'est que les victimes disposent d'un logement sûr dans la durée, à même de s'adapter à leurs besoins et surtout sans rajouter de la violence à la précarité et de la précarité à la violence.

C'est pourquoi, M. le ministre, il me semble que la problématique du logement est au coeur des dispositifs de lutte contre les violences conjugales – un grand nombre des auditions que nous avons pu mener soit avec les associations, soit avec les experts, en témoignent d'ailleurs.

C'est par le logement que l'on crée les conditions de l'émancipation d'une emprise morale, physique, sociale et parfois économique – par un logement où il ne règne ni l'angoisse, ni la peur, ni l'horreur.

Aussi, aux côtés du Gouvernement, le Parlement se mobilise, notamment à travers notre Délégation qui remettra à Marlène Schiappa un Livre blanc nourri de recommandations à la hauteur de la gravité de la situation et susceptible d'offrir aux femmes des droits effectifs dont elles pourront se saisir afin de s'échapper de telles situations.

C'est donc dans la perspective d'aborder les problématiques des violences conjugales de la manière la plus complète possible que nous avons auditionné, au cours des dernières semaines, Christophe Castaner et Nicole Belloubet, et que nous vous auditionnons aujourd'hui.

Sans plus tarder, je vous laisse donc la parole en vous remerciant une nouvelle fois d'avoir répondu favorablement à notre invitation.

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