Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Il y a quelques semaines, un institut de sondage que chacun connaît bien interrogeait les Français sur leurs inquiétudes. Le premier sujet évoqué était celui de l'accès aux soins et de la santé.

Madame la ministre, il est vrai que vous avez hérité d'un ministère difficile. Vous connaissez le tableau mieux que nous : depuis mars dernier, le mouvement de grève débuté dans les hôpitaux parisiens s'est répandu dans 267 services d'urgence. Le 14 novembre prochain, les médecins, chefs de service, infirmiers et internes prévoient de se mobiliser pour dénoncer un système de santé à bout de souffle. La semaine dernière, les personnels des EHPAD étaient en grève pour dénoncer leurs conditions de travail, le manque de moyens et le manque de personnel. Aujourd'hui même, et pour une durée de trois jours, les laboratoires de biologie médicale sont fermés pour protester contre une baisse de dotation de 200 millions d'euros qui menace la qualité des soins. Voilà la situation que nous avons tous en tête au moment de débuter l'examen du PLFSS. Vous l'avez dit vous-même, ce texte est un acte politique qui vise à répondre aux attentes de la société. À ce stade, il est surtout un rendez-vous manqué.

Je concentrerai mon propos sur le problème de l'accès aux soins et de la désertification médicale, ma collègue Jeanine Dubié s'étant exprimée tout à l'heure sur l'ensemble du texte.

Les établissements de santé publics et privés nous alertent sur leurs déficits, qui les placent souvent dans l'incapacité de couvrir leurs charges d'exploitation courantes. Ils nous appellent à repenser leur financement, à réinventer les parcours de soins, à réfléchir à l'augmentation de leurs ressources et à leur apporter des perspectives pluriannuelles.

Vous avez fixé l'ONDAM à 2,3 % pour 2020, ce qui représente une baisse par rapport à l'an dernier ; l'ONDAM est même à 2,1 % pour les établissements de santé, en dessous de l'augmentation naturelle des charges en soins qui frise les 4 %.

Par ailleurs, vous avez fait le choix de ne pas compenser à la sécurité sociale le montant des mesures d'urgence prises en réponse à la crise des gilets jaunes, qui ont coûté 2,7 milliards d'euros. C'est un débat auquel je reviendrai, avec d'autres de mes collègues.

Il est vrai que vous avez déclenché un nouveau plan à 750 millions d'euros pour les urgences. Or, comme l'a très bien dit Paul Christophe cet après-midi, il ne s'agit pas de crédits supplémentaires mais du redéploiement de crédits existants. Chacun comprend la déception et l'inquiétude des professionnels de santé, qui sont encore plus fortes que celles des parlementaires. Ils nous disent avoir peur pour leur sécurité et pour celle de leurs patients.

Réalistes, nous savons aussi que la situation économique vous contraint à revoir vos prévisions d'équilibre et ne vous laisse qu'une marge de manoeuvre limitée dans ces arbitrages budgétaires. Mais chacun comprend que la stabilité même de notre système de santé est menacée.

Malheureusement, le déséquilibre de l'offre de soins va croissant sur tout notre territoire. Ne perdons pas de vue l'enjeu de la désertification médicale : j'ai été surpris de voir que le PLFSS en parlait si peu, comme si l'action était déjà engagée et que les résultats étaient à portée de main. Vous allez me répondre que vous avez supprimé le numerus clausus ; non, il a été un tout petit peu augmenté. Vous allez me répondre que vous avez ouvert 4 000 postes d'assistants médicaux de territoire ; combien ont été recrutés ? Vous allez me répondre que 400 médecins adjoints viendront accompagner les territoires et les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS ; combien ont été recrutés ? La PAE – procédure d'autorisation d'exercice – a-t-elle été améliorée ? Or vous savez qu'elle est vitale pour les médecins étrangers qui n'ont pas de diplôme européen et qui doivent passer par la case hospitalière durant trois ans avant de pouvoir travailler dans la médecine de ville.

Il faut augmenter les efforts. Certes, vous me direz que vous encouragez la télémédecine. Accordez-moi toutefois que la lettre du directeur général de l'assurance maladie, l'année dernière, expliquant que les actes de télémédecine devaient être précédés d'un passage par le généraliste, provoque de nombreuses difficultés. Mon département a investi énormément dans le numérique, notamment 100 millions d'euros pour être couvert partout à 100 mégas, et je suis dans l'incapacité de proposer des consultations de télémédecine parce que l'assurance maladie refuse de prendre en charge les patients.

Toutes ces questions sont graves. Vous n'êtes évidemment pas responsable de tout, tant s'en faut ! Les problèmes viennent de si loin ! Mais tout est lié à l'articulation du système de santé. Je donnerai un dernier exemple. Je crois que vous célébrerez demain l'anniversaire des CPTS – le Président de la République a même choisi la CPTS dont j'ai été à l'origine de la création comme exemple dans le plan « ma santé 2022 ». Voilà un très bon outil. Mais, de grâce, laissez les acteurs du territoire s'organiser ! Veillez à ce que les ARS ne les regardent que de loin et ne viennent pas leur expliquer comment on organise et on finance une CPTS ! Les acteurs le savent très bien ; ils ont besoin qu'on leur fasse confiance. Le système de santé a besoin de confiance. Apportez-la leur et nous vous aiderons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.