Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

C'est, moi aussi, avec honneur et une grande responsabilité que je me trouve face à vous. Nous n'avons eu que quarante-huit heures pour lire les centaines de pages de ce projet de loi et proposer des modifications avant son passage en commission, la semaine dernière. Un budget de 500 milliards d'euros a été discuté et voté en moins de quatorze heures, et certains d'entre vous s'en sont félicité !

Dans ce projet de loi, mon collègue Adrien Quatennens l'a habilement démontré, vous tuez à petit feu la sécurité sociale sciemment, volontairement, méthodiquement. Vous rendez alors nécessaire le sous-financement de nos hôpitaux, de nos EHPAD, de nos prestations sociales.

Depuis sept mois, le collectif inter-urgences vous a alertés et a alerté l'opinion sur la crise des urgences. Ce mois-ci, cette lutte s'étend à tout l'hôpital, à tous les services.

Le 10 octobre, le collectif inter-hôpitaux, créé pour défendre l'hôpital public, a organisé sa première assemblée générale à la Pitié-Salpêtrière. Trois amphithéâtres ont été nécessaires pour réunir tous les médecins – des médecins venus pour la première fois – , ainsi que des usagers et de nombreuses autres professions – auxiliaires de puériculture, sages-femmes, psychologues, cadres de santé, infirmiers, personnels administratifs et techniques. Deux motions ont été votées. La première réclame un plan d'urgence pour l'hôpital public avec revalorisation de l'ONDAM à la hauteur des charges, revalorisation des salaires – notamment pour les soignants – , arrêt de la fermeture des lits d'hospitalisation et embauche de personnels. La seconde appelle à des assemblées générales et à des actions dans tous les hôpitaux.

Vos anciens confrères et consoeurs, madame la ministre, organisent des actions via une boucle e-mail, sur laquelle vous avez ironisé publiquement – « Ils ne savent pas que je suis dans la boucle » – , critiquant leur prétendue incompétence. Nombre d'entre eux siègent dans des commissions d'établissement et ont participé à certaines restructurations. Ils sont au contraire très au courant et entendent ne plus se faire avoir. Sur la boucle e-mail des médecins, l'une de vos consoeurs, professeur à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, informe les institutions que, dans son hôpital, des chirurgies pédiatriques ont dû être reportées et des enfants transférés après arrêt cardiaque, faute de place.

Vos cours d'austérité et d'économie néolibérale ont des conséquences très concrètes sur la vie quotidienne des Françaises et des Français. Plus personne n'ignore cette situation. Une lettre a été adressée au Président de la République par 108 personnalités du monde intellectuel et du spectacle, 200 chefs de services hospitaliers et des dizaines de milliers de citoyens et usagers qui s'insurgent contre votre politique. Avec les pétitions des collectifs inter-urgences et « Nos vies d'abord », plus de 400 000 signatures réunies vous alertent sur la crise sanitaire actuelle.

En réponse, les propositions du Gouvernement et de la majorité sont stupéfiantes. Vous voulez réaliser 800 millions d'euros d'économies sur l'hôpital public. En procédant ainsi, vous entérinez le mépris assumé du pouvoir pour les corps de métiers en lutte et les usagers. En arrêtant d'investir dans l'hôpital en prenant pour prétexte le virage ambulatoire, vous laissez les murs de nos établissements de santé pourrir.

Cela mène inévitablement à la privatisation de notre système de santé et à la vente à la découpe de nos services hospitaliers. Ainsi, à Maubeuge, l'hôpital s'interroge sur l'opportunité de privatiser son service d'imagerie médicale. Dans le Maine-et-Loire, un hôpital tout entier pourrait être privatisé. Une première ! Fidèles à l'esprit du Conseil national de la Résistance et conscients des conséquences des privatisations dans les services publics, nous disons non. Il faut, tout au contraire, donner un véritable poids à un système de santé public qui soit un poumon de la société, de la maternité à l'EHPAD.

Chaque fois, on agite le chiffon rouge de l'endettement de l'hôpital, un endettement entretenu volontairement par le pouvoir et qui s'élève à 30 milliards d'euros pour l'ensemble de nos hôpitaux. La refonte du financement des hôpitaux de proximité prévu dans ce texte n'y changera rien, puisque le budget est inexistant.

À force de regroupements hospitaliers, les hôpitaux de proximité ont été dépouillés de l'intérieur. Et ce n'est pas en ouvrant les portes de ces hôpitaux aux médecins libéraux, sous couvert de partenariat ville-hôpital, que vous les remettrez sur pied !

Le constat est le même pour les maternités. À mesure qu'elles ferment et se regroupent, les distances pour les mères augmentent, ainsi que les risques. Dans ce projet de loi, plutôt que de revenir sur cette politique, vous proposez d'installer, à proximité des maternités, des hôtels pour femmes enceintes. Vous persistez dans la même logique perverse : continuer de fermer des maternités dans les zones rurales, raccourcir au maximum la prise en charge à l'accouchement et faire des économies, toujours plus d'économies.

Vous revoyez également le financement des soins de suite et de réadaptation, de la psychiatrie et des urgences. Mais quel que soit le mode de financement – à l'activité, sur la base de la population, à la qualité, où que sais-je encore ? – , la logique reste la même : l'enveloppe globale diminue par rapport aux besoins et les établissements de santé se battent pour essayer de tirer leur épingle du jeu, un jeu où il y a toujours des perdants.

Or ce que vous ne dites pas, c'est que, lorsqu'on économise sur les services publics, on rend impossible la vie du personnel hospitalier et on appauvrit les usagers. J'en profite pour répliquer à M. Borowczyk que, si le don de soi des aides-soignantes est très important, elles méritent également un salaire. Nous sommes en 2019 : excusez mon langage, mais nous ne sommes ni nonnes, ni bonnes, ni connes. Cette époque est révolue !

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