Intervention de Muriel Ressiguier

Séance en hémicycle du lundi 28 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Le budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation s'élève à 25,49 milliards d'euros, et vous annoncez fièrement, madame la ministre, augmenter les crédits de 500 millions. Pourtant, selon les syndicats et certains directeurs d'établissements d'enseignement supérieur, ce budget ne permettra pas de faire face à l'augmentation du nombre d'étudiants, ni à l'application de la loi dite ORE du 8 mars 2018.

La France consacre 2,2 % de son PIB à la recherche, dont seulement 0,76 % pour le public, loin de l'objectif de 3 % de la stratégie de Lisbonne. Le syndicat national des chercheurs préconise une augmentation annuelle de 1 milliard d'euros pour atteindre, dans dix ans, le seuil de 1 % du PIB consacré au financement de la recherche publique. Or le projet de loi de finances prévoit pour ce programme 6,94 milliards d'euros, comme en 2019, soit une baisse de 1 % compte tenu de l'inflation. Par ailleurs, les crédits de paiement de l'ANR diminuent de 14,3 %, s'établissant à 738 millions d'euros au lieu de 860 millions en 2019.

À l'heure où nous devons faire face à de nombreux défis sociétaux et environnementaux, ce budget n'est pas à la hauteur ; il manque d'ambition. Dans l'enseignement supérieur, la perte d'autonomie des universités s'accentue, la qualité des enseignements se dégrade et le parc universitaire se délabre. La logique de sélection est toujours de mise : en aggravant les inégalités d'orientation, Parcoursup remet en cause la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Ainsi, le 19 juillet, au terme de la phase principale de Parcoursup, 58 724 candidats n'avaient pas reçu de proposition ; parmi eux, 12 % des bacheliers issus des filières technologiques et 22 % de ceux issus de la voie professionnelle, contre respectivement 8 % et 14 % en 2018. Nous ne savons pas ce que ces candidats sont devenus : il est possible que nombre d'entre eux aient abandonné leur projet d'études, faute de proposition dans la filière qui les intéressait.

En outre, les étudiants sont de plus en plus touchés par la précarité, ce qui rend parfois leurs conditions d'études très difficiles. Leurs dépenses augmentent, mais aucune compensation n'est proposée. D'après une enquête de l'UNEF, l'Union nationale des étudiants de France, le coût de la vie étudiante a globalement augmenté de 2,83 %, deux fois plus que l'inflation. Se loger, se nourrir, accéder aux soins, se déplacer deviennent autant de défis auxquels les étudiants sont quotidiennement confrontés. Près d'un sur deux se voit dans l'obligation d'exercer une activité rémunérée au lieu de se consacrer pleinement à ses études. Loin de permettre leur émancipation, l'enseignement supérieur renforce le déterminisme social, dont sortir devient un exploit.

Concernant la recherche, vous déverrouillez les portes entre le public et le privé et organisez la fuite des investissements publics vers les entreprises. L'État emploie des chercheurs sans leur donner vraiment les moyens de travailler. Il existe deux sources principales de financement : la subvention pour service public, utilisée pour les salaires ainsi que pour le fonctionnement des laboratoires, et les ressources dites « compétitives », attribuées par appel d'offres. Or, depuis plusieurs années déjà, l'équilibre entre crédits « de base » et « compétitifs » a été rompu. C'est encore la logique marchande qui vous guide : en effet, les crédits compétitifs financent en général des recherches sur objectifs, alors qu'un budget récurrent permet des recherches plus exploratoires, dont le but n'est pas la rentabilité à court ou moyen terme.

Par ailleurs, les conditions de travail se dégradent. Le manque de personnel se fait sentir dans les laboratoires. En 2016, il y avait certes 114 456 chercheurs dans le public, soit 1,6 % de plus qu'en 2009. Mais sur la même période, une baisse de 0,9 % des effectifs dans la catégorie dite « de soutien à la recherche » – gestionnaires, secrétaires et techniciens – a obligé les chercheurs à effectuer toujours plus de tâches administratives. En outre, les emplois précaires se multiplient : 30 % des chercheurs post-doctorants sont en CDD ; l'INRA embauche 43 % de contractuels, et le CNRS, 22 %.

La rénovation du patrimoine immobilier nécessiterait à elle seule un investissement de 7 milliards d'euros. Les chercheurs travaillent bien souvent dans des laboratoires sous-équipés ; ils souffrent également d'un manque de reconnaissance, et leur mal-être est en forte augmentation.

Fidèles à votre croyance en une « start-up nation » et en la marchandisation du savoir, vous développez la précarité et la compétition dans l'enseignement supérieur et la recherche. L'État se désengage un peu plus encore ; la mainmise du privé sur le public se poursuit. Le groupe La France insoumise ne partage pas cette conception du savoir, qui, pour nous, doit être un facteur d'émancipation au service de l'intérêt général.

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