Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Économie - engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

S'agissant plus précisément de la charge de la dette et de la trésorerie de l'État, elle s'établirait à 38,1 milliards d'euros, soit le niveau prévisionnel le plus faible depuis 2002, alors même que l'État assume cette année la reprise de la dette de SNCF Réseau, pour permettre à l'entreprise de revenir à une trajectoire d'équilibre compatible avec son nouveau statut.

Doit-on se réjouir de cette situation ? Certains évoquaient la « cagnotte fiscale » des recettes publiques : existe-t-il, de la même façon, une cagnotte d'économies sur la charge de la dette, dans laquelle nous pourrions puiser indéfiniment ? Rien n'est moins sûr.

D'abord, si les taux sont bas, c'est notamment parce que les banques centrales ont réagi face au ralentissement de la croissance et de l'inflation et que notre croissance, depuis, ne s'est que peu redressée. N'oublions pas que la baisse de la croissance diminue le montant des recettes publiques, et qu'un point de croissance du PIB en valeur représente 10 milliards d'euros de recettes en plus. Les économies constatées sur la charge de la dette ne sont donc que les maigres compensations des moindres recettes dues au ralentissement économique mondial.

Ensuite, les chiffres nous rappellent le poids du passé, comme un boulet ou plutôt comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Le besoin de financement de l'État s'établirait ainsi à 230,5 milliards d'euros, en augmentation de 5 milliards par rapport à 2019. Ce montant se compose, principalement, du financement du déficit de l'État, pour 93,1 milliards d'euros, et d'amortissements de titres de moyen et de long terme, pour 136,4 milliards d'euros.

Les efforts de diminution du déficit public, dans lesquels sont résolument engagés le Gouvernement et la majorité, ne suffisent que partiellement à effacer l'héritage du passé. La diminution de notre dette doit rester notre priorité, tant elle nous rend vulnérable, en particulier, à une hausse éventuelle des taux d'intérêt. Il est vrai que les économistes considèrent que l'environnement général de taux bas pourrait être durable, mais durable ne signifie pas permanent ! Et l'histoire a montré à quelle vitesse les taux peuvent remonter. L'existence de marges de manoeuvre budgétaires est donc à nuancer.

Le Gouvernement et la majorité n'ont pas ménagé leurs efforts pour réduire le déficit français à 2,3 % du PIB ; mais ce déficit reste, si on le compare à celui de nos voisins, l'un des plus élevés d'Europe. Il résulte d'un haut niveau de dépenses publiques, mais aussi de choix politiques, que nous assumons, destinés à répondre à l'urgence sociale et à garantir le service public. Il serait donc prudent de poursuivre la trajectoire de réduction du déficit public pour retrouver des marges de manoeuvre lorsque le cycle économique se retournera et qu'une relance sera nécessaire.

Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à intensifier l'investissement public, mais plutôt améliorer la qualité de notre dépense et son efficience. Il nous faut poursuivre l'évaluation de cette dépense pour l'affecter aux investissements dont les rendements socio-économiques et environnementaux sont les plus élevés, afin de fortifier notre croissance potentielle et de renforcer nos compétences.

Cela nécessite d'améliorer la qualité de l'information dont nous disposons sur la dépense, et, sur ces sujets, nous progressons. La création de l'OAT – obligation assimilable du Trésor – verte a en particulier permis au public de disposer d'une information claire et transparente sur les dépenses en faveur de la transition écologique.

Mes chers collègues, comme l'ont récemment fait remarquer Jason Furman et Lawrence Summers, la réduction de la dette publique n'est pas un but en soi. Les problèmes de taux d'activité, de mollesse de la croissance, du niveau de la pauvreté et du changement climatique sont sans doute les plus urgents. Et la dette carbone est une dette dont nous ne pourrons négocier les termes avec aucun créancier. Mais nous ne pouvons pas non plus faire comme si la dette n'avait aucune importance, car le moment viendra où il faudra corriger l'important décalage entre les recettes et les dépenses. Il vaudrait mieux le faire avant que le niveau de la dette devienne incontrôlable et que toute marge de manoeuvre devienne impossible à trouver, alors même qu'une crise sociale ou climatique la rendra plus nécessaire que jamais.

Voilà en quelques mots, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les principaux enseignements des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », que j'invite notre assemblée à adopter.

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