Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Médias livre et industries culturelles ; avances à l'audiovisuel public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Nous nous retrouvons ce soir pour examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2020. L'année 2020 constituera à n'en pas douter une année charnière pour les médias et les industries culturelles, comme l'a écrit Mme Calvez dans son rapport : une année de défis, d'ambitions et de réformes. Or, pour que ces réformes soient menées à bien, il sera absolument nécessaire d'y adjoindre les financements correspondants. C'est une logique simple de politique publique : on ne peut pas demander toujours plus avec toujours moins de moyens. Malheureusement, comme dans les lois de finances pour 2018 et pour 2019, le Gouvernement a encore choisi une logique de rabot, notamment pour l'audiovisuel public, au terme d'arbitrages très tardifs.

Nous assistons encore cette année à un recul généralisé : moins 62 millions d'euros pour France Télévisions, moins 5 millions pour Radio France, moins 2 millions pour Arte, moins 1 million pour France Médias Monde et moins 1 million pour l'INA. Seule la chaîne TV5 Monde conserve un budget stable. Nous attendons donc aujourd'hui la réforme de l'audiovisuel avec impatience. Cependant, comment garantir qu'une telle baisse de ressources pourra être amortie par la holding France Médias sans toucher aux contenus et au fonctionnement de l'entreprise ? Permettez-nous d'en douter.

Je souhaitais aussi revenir, comme chaque année, sur le véritable serpent de mer que représente la taxe Copé, détournée depuis des années au détriment de France Télévisions alors qu'elle avait été créée pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes de l'opérateur.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler votre ancienne mobilisation pour rétablir le juste rôle de la taxe Copé. En novembre 2018, vous dénonciez encore le détournement de cette taxe, demandant que les ressources créées pour l'audiovisuel public soient bien affectées au secteur de l'audiovisuel. Vous souligniez aussi, à juste titre : « la taxe Copé a été détournée par la précédente majorité au profit du budget général de l'État, ce que je dénonce avec force depuis des années ». Vous évoquiez même un scandale, avant de conclure : « lorsque nous expliquons aux Français que nous leur demandons des taxes pour financer France Télévisions, le rendement de ces taxes doit aller à l'audiovisuel public. »

J'ai du mal à croire que vous ayez pu changer radicalement d'avis sur cette pratique, que je dénonce également. Pourtant, l'année dernière, vous avez choisi de dévier définitivement le produit de cette taxe vers le budget de l'État, au détriment de France Télévisions, en allant plus loin encore que sous le quinquennat de François Hollande. Comment pouvez-vous l'expliquer ?

Je souhaitais également évoquer la création du Centre national de la musique, le CNM, qui était attendu par les acteurs du secteur. Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision du Gouvernement de lui donner vie et du vote à l'unanimité de la proposition de loi portant sur sa création. Ce projet prend tout son sens, au moment où le secteur français de la musique enregistrée renoue avec la croissance et a besoin de soutien pour conforter sa position sur un marché mondial ultra-concurrentiel.

L'action du CNM sera fondamentale : il aura pour mission de consolider la filière au bénéfice de la création et de la diversité culturelle. Concernant son financement, le fléchage de 7,5 millions d'euros supplémentaires vers le CNM en autorisations d'engagements et en crédits de paiement pour l'année 2020, puis le fléchage de 7,5 millions d'euros en 2020 et de 20 millions d'euros dans le PLF 2022, témoignent de l'engagement du Gouvernement.

Nous restons cependant encore très éloignés des recommandations des experts pour le nouveau budget de cette instance – le rapport de Roch-Olivier Maistre préconisait un montant de 40 millions d'euros, et la mission Selles avançait même un montant allant de 80 à 100 millions d'euros. Pourtant, le succès du CNM dépendra assurément des moyens qui lui seront affectés. Avec un budget insuffisant, l'établissement ne saura atteindre ses objectifs ni remplir les missions qui lui sont confiées et qui ont vocation à s'amplifier. J'ai déposé en ce sens un amendement d'appel : j'espère que nous pourrons en débattre.

Concernant l'export, le défi pour le milieu musical français reste immense. En 2018, dix-neuf des vingt meilleures ventes dans notre pays étaient des albums produits en France et chantés en français ; or, parmi ces dix-neuf artistes français, aucun ne figure sur la liste des vingt répertoires les plus écoutés au niveau mondial. Le CNM devra donc renforcer et consolider le modèle économique de la filière musicale française pour l'inscrire parmi les leaders mondiaux.

Les dispositifs publics de soutien existants, comme le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique – CIPP – , fonctionnent bien et restent particulièrement utiles au secteur. Ils s'avèrent efficaces, au service de la diversité de la création musicale francophone : les premiers chiffres de l'année 2019 montrent les scores remarquables des nouveaux talents français, avec trente-huit albums produits en France dans le top 200. Parmi eux, 80 % ont bénéficié du CIPP, dont Clara Luciani, Eddy de Pretto ou Aya Nakamura, qui ont marqué l'année. Ce crédit d'impôt est donc vertueux ; il doit être pérennisé car il promeut la diversité musicale en encourageant des artistes locaux.

Enfin, nous regrettons la diminution des aides à la presse et nous inquiétons de l'interminable chantier du quadrilatère Richelieu.

Au regard de ces nombreuses réserves, notre groupe a décidé de s'abstenir sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.