Intervention de Christine Passagne

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 17h20
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Christine Passagne, conseillère juridique au sein de la FNCIDFF :

Sur l'autorité parentale, je voulais apporter quelques précisions. Nous avons travaillé spécifiquement sur la question des incidences des violences conjugales sur les enfants, en lien avec le Centre Hubertine Auclert qui avait rédigé en 2018 un rapport sur les enfants co-victimes. Notre postulat de base était que les violences avaient nécessairement une incidence sur les enfants. J'irai plus loin : le rapport considérait les enfants comme co-victimes mais ils sont en fait toujours des victimes directes.

Ils sont souvent victimes directes de violence physique et ils sont toujours victimes a minima de violences psychologiques. À partir du moment où le code pénal a introduit dans le délit de violence les violences psychologiques, nous pouvons nécessairement les considérer directement comme victimes. Ils peuvent également être victimes du délit de harcèlement moral et sont parfois, comme nous l'avons déjà vu, instrumentalisés postérieurement à la séparation.

En 2018, nous constations que le dispositif législatif permet au juge civil et au juge pénal d'intervenir pour prononcer soit un retrait total ou partiel de l'autorité parentale, soit un exercice exclusif de celle-ci. Aujourd'hui encore, le juge pénal peut se prononcer sur ce sujet et, dans certains cas, doit se prononcer.

Avec tous les CIDFF de la région, nous avions évalué l'application de ces dispositions en Île-de-France – zone de compétence du Centre Hubertine Auclert. Nous avions constaté une quasi non-application de tous ces dispositifs, qu'il s'agisse de l'article 378 du code civil ou des articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal. Cela veut dire que très peu de retraits d'autorité parentale sont prononcés ; de même très peu d'exercice exclusif.

Aujourd'hui, dans le cadre du Grenelle, il semble que les choses vont évoluer, que la loi devrait prévoir un retrait automatique dans les cas de féminicides, cela a été annoncé directement par le Premier ministre. Il s'agit de l'une des dix mesures du ministère de la Justice. Nous trouvons que c'est très positif : on ne peut pas considérer qu'un père qui tue la mère d'un enfant peut continuer à exercer l'autorité parentale. Cela semble évident, mais ce n'était pas appliqué faute d'automaticité.

Nous souhaiterions que cette automaticité soit étendue aux tentatives d'homicide. Dans ce cas, il y a bien la volonté de tuer la personne ; elle n'a pas abouti, souvent pour des raisons indépendantes de la volonté de l'auteur. L'automaticité est indispensable car sinon, si la victime est hospitalisée, c'est le père qui va continuer à exercer l'autorité parentale, même incarcéré et cela va avoir des conséquences sur la gestion de la situation de l'enfant. Si la mère est hospitalisée, il peut être pris en charge par des membres de la famille ou par des centres de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Nous voudrions que, tout comme en droit pénal, il y ait une assimilation entre l'infraction et la tentative.

Hors les cas d'homicide, il est prévu qu'il n'y ait pas une automaticité du retrait de l'autorité parentale et qu'il y ait des possibilités d'aménagement avec un retrait parfois partiel, se limitant à certains éléments de l'autorité parentale. Nous n'avons pas d'objection de principe mais cela mérite un examen attentif. Ce qui va changer, c'est le caractère automatique et l'obligation pour le juge pénal de se prononcer sur l'exercice de l'autorité parentale.

Nous nous réjouissons aussi de la meilleure articulation avec l'ordonnance de protection. Rendue dans des délais plus brefs, elle permettra au juge de prononcer des mesures limitant les droits du père, et surtout de prononcer, si le père continue à bénéficier de droits de visite, des mesures d'accompagnement protégé ou d'imposer le recours à un espace de rencontre protégé. Pour autant, pour que ces mesures fonctionnent bien, elles ont besoin de moyens. Par exemple, le dispositif de MAP qui existait à Paris - et qui fonctionnait bien – cesse, faute de moyens. Ces baisses sont regrettables car elles se font au détriment de la sécurité des femmes et des enfants.

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