Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Ensuite, la pénurie de temps et de moyens pour le traitement des demandes. La réduction des délais de traitement de la demande d'asile est l'un des objectifs affichés du programme 303 de la mission et vous vous félicitez des résultats obtenus. Or, dans les faits, cette politique a des conséquences graves que révèle le témoignage de juristes de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides. L'un d'eux explique : « Tout le problème désormais, avec l'accélération de l'examen de la demande liée à la loi de 2018, c'est qu'on a devant nous des personnes primo-arrivantes. Elles sont dans la précarité, sans hébergement, sans accompagnement, sans soins médicaux. Elles sont dans une détresse totale. Souvent, quand elles arrivent à l'entretien, leur préoccupation n'est pas la demande d'asile, mais qu'on leur trouve un logement le soir même. Ils sont dans la survie. Leur première préoccupation c'est : "comment je vais manger ce soir ? " Cette loi devait permettre d'avoir une réponse plus rapidement pour les demandeurs d'asile. Finalement, cela dessert notre travail. Quelqu'un qui dort à la rue, n'a pas mangé depuis plusieurs jours, n'est pas en mesure de pouvoir se concentrer, comprendre nos questions et encore moins d'y répondre. Je gère 367 dossiers par an, ça fait deux demandeurs par jour. C'est un temps insuffisant pour mener un entretien apaisé. »

Voici donc la réalité de votre politique telle qu'elle est subie par les personnes concernées : les migrants et les migrantes ; les habitants qui assistent, impuissants, à toute cette misère ; les associations qui tentent d'y remédier et même les agents et agentes de l'État censés l'appliquer.

Enfin, le Gouvernement crée lui-même de l'irrégularité et du désordre social à travers la pénurie d'octroi et de renouvellement des titres de séjour. Avec la dématérialisation de la prise de rendez-vous, des centaines de personnes en situation régulière, dont certaines sont installées ici depuis plus de cinquante ans, perdent leur droit au séjour. On apprend ainsi, suite à un test organisé par la Cimade sur la prise de rendez-vous dématérialisée, qu'une même personne peut faire 1 000, 2 000 voire 3 000 tentatives : dans 99,9 % des cas, aucun rendez-vous n'est proposé.

Ainsi : « Estelle, 32 ans, camerounaise, a [… ] perdu son travail suite à ces dysfonctionnements. [… ] Quelques mois avant l'expiration de son titre, elle tente de prendre un rendez-vous mais "ça ne passe pas", et elle se retrouve en situation irrégulière [… ]. Son contrat en CDD n'est pas renouvelé [… ]. Pourtant, précise Estelle, "il y avait du besoin. D'ailleurs, on m'a même demandé si je voulais continuer, mais je ne pouvais pas parce que je n'avais plus de papiers. Donc plus aucune chance de pouvoir travailler. J'ai cherché du travail partout mais les employeurs refusaient à chaque fois. " [… ] En deux mois, Estelle s'est présentée huit fois en préfecture, "sans succès". La neuvième fois, la personne à l'accueil lui explique que son titre a expiré en 2017 et qu'ils vont désormais estimer qu'elle n'est jamais venue en France. » Estelle se retrouve aujourd'hui avec l'obligation de quitter le territoire français à la suite d'une détention pour vérification d'identité, parce qu'elle a lancé une pétition pour dénoncer les effets de la dématérialisation.

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