Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 9h45
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Sophie Cluzel, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées :

Vous avez entièrement raison, nous devons oeuvrer à la prévention et à l'information dès le plus jeune âge.

Les jeunes en situation de handicap risquent souvent de manquer les cours de sciences et vie de la terre (SVT) où l'on explique le fonctionnement du corps humain – surtout s'ils ont un cursus particulier, s'ils sont scolarisés dans des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) par exemple, ou en temps partagé.

Certains jeunes, souffrant notamment de troubles des fonctions cognitives ou de déficiences intellectuelles, ne comprennent donc même pas comment fonctionnent leur propre corps, leurs organes reproductifs, etc. Je peux vous en parler, je l'ai vécu !

Cela signifie que l'on demandera à ces jeunes à l'adolescence de comprendre leurs réactions alors qu'ils n'ont pas reçu les éléments basiques d'information sur la façon dont fonctionne leur propre corps.

Ils en sont souvent privés parce que l'on manque de mots spécifiques, parce qu'une mauvaise pudeur se manifeste à ce sujet et que l'on ignore comment parler de ces questions à des gens dont on pense qu'ils ne vont pas les comprendre. Or ces personnes ont encore plus besoin que les autres de les comprendre ! C'est là toute l'ambiguïté et toute l'hypocrisie de notre système.

Nous ne savons pas trouver les mots. Il en va de même dans les établissements médico-sociaux et les établissements scolaires. Cela commence à s'améliorer, mais nous manquons de bons outils. Il existe néanmoins les fiches pédagogiques SantéBD conçues par CoActis, ainsi que les outils mis en oeuvre par la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (FIRAH). Mais il faut que ces kits soient généralisés dans tous les établissements scolaires qui accueillent des enfants en situation de handicap, et que les professeurs s'en emparent et puissent ainsi disposer de bons outils pour apprendre à utiliser les bons mots et simplifier des choses compliquées à enseigner.

Tout un travail pédagogique est donc à mener.

Nous pourrons alors parler enfin de réactions inappropriées ou diffuser le message « ton corps t'appartient ». Mais si l'on n'explique pas comment fonctionne son corps à un enfant qui est plus éloigné que les autres de la compréhension, nous risquons de rater quelque chose d'essentiel. J'ai donc demandé, dans le cadre du groupe de travail handicap, que ces outils soient généralisés et massivement diffusés partout où les enfants en situation de handicap sont présents.

Ce premier pas est indispensable : la compréhension permettra de mettre des mots et des expressions justes sur les émotions ressenties. Si l'on ne comprend pas la façon dont son corps fonctionne, l'affirmation « mon corps, c'est mon corps, ce n'est pas le tien » peut être par exemple difficile à expliquer.

Il faut donc être très pragmatique sur ce point, et faire preuve d'une grande clarté et d'une grande précision dans la formation et les cursus que suivent ces enfants. Si un enfant qui partage son temps entre une ULIS et une scolarisation individuelle dans sa classe de référence manque le bon cours de SVT dans sa classe de référence, il rate l'accès à ces informations.

Généralisons donc les outils, et travaillons avec les professeurs également sur leur appropriation et sur la meilleure façon de parler de la vie intime, affective, sexuelle et reproductrice en des termes simples et choisis. Et faisons de même dans les établissements médico-sociaux. Faisons entrer aussi les professionnels du médico-social qui se sont emparés de ces formations dans les écoles, en appui aux professeurs, sur ces sujets. C'est tout l'enjeu de l'école inclusive sur laquelle nous avons travaillé avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

Par ailleurs, la formation des généralistes est effectivement essentielle. C'est tout l'enjeu du travail que nous menons avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) sur les outils et kits de formation destinés au personnel médico-éducatif.

L'idée est de voir comment nous pouvons irriguer toutes les formations existantes d'informations sur les spécificités du handicap. Et d'aborder la façon dont on peut parler différemment, mais dont on peut parler tout de même, avec des personnes en situation de handicap de sujets que l'on aborde avec des personnes qui n'ont pas de handicap.

L'idée est donc de voir comment l'on peut généraliser la diffusion de ces informations dans toutes les portes d'entrée du droit commun, et comment l'on peut faire monter en qualification ce droit commun.

Les femmes en situation de handicap doivent être incluses partout où les femmes non handicapées vont chercher de l'information. Elles ne doivent pas faire l'objet d'une politique à part. C'est tout l'enjeu de notre société. Nous souhaitons donc toucher l'ensemble des médecins généralistes qui sont souvent la clé d'entrée vers cette information et le premier contact en cas de violence subie.

Par ailleurs, sur la formation des premiers recueils de plaintes, nous sommes encore loin du compte. Les commissariats et les brigades se sont dotés de 271 intervenants sociaux pour appuyer les missions d'accueil. Le groupe de travail sur l'accueil dans les commissariats et les gendarmeries propose d'augmenter le nombre d'intervenants et de renforcer l'accès aux femmes en situation de handicap, notamment celles souffrant de handicap psychique ou intellectuel.

Le 6 juillet 2018 une convention cadre de partenariat a été signée entre la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (UNAPEI) en faveur d'une plus grande accessibilité du service public rendu par la gendarmerie nationale aux personnes en situation de handicap intellectuel. Cette convention cadre comporte notamment une clause relative à l'importance de l'accès aux informations pour tous les publics de la gendarmerie nationale par leur transcription en mode « facile à lire et à comprendre ».

La convention prévoit également un effort considérable de formation des personnels à l'accueil des personnes handicapées, c'est-à-dire de ceux qui recueillent la première parole – qu'ils soient élèves gendarmes, élèves officiers ou opérateurs de centres d'appel.

J'étais présente avec Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, lors de sa signature.

Nous pouvons être démunis face à une femme très choquée qui a en plus des problèmes pour s'exprimer dus à sa situation de handicap. Il faut donc mobiliser une double écoute : l'empathie première, bien sûr, doublée d'une écoute accompagnée de moyens dédiés – des outils de communication, mais aussi des interprètes en langue des signes française (LSF) pour les personnes sourdes, par exemple. Il faut donc faire monter en qualification et en savoir-faire le recueil de cette parole.

Mme Trastour-Isnart, j'entends bien votre appel en faveur de la « dé-conjugalisation » de l'AAH ; je suis régulièrement interpellée sur ce sujet. Ce n'est pas un sujet simple. Nous oeuvrons à une accélération du rétablissement automatique de l'allocation, comme je l'ai indiqué précédemment. Pour autant, j'entends votre demande et je suis très attentive à cette question. Il n'en reste pas moins que nos prestations sont calculées ainsi. Je rappelle toutefois que les abattements sont bien supérieurs pour les allocataires de l'AAH.

Je tiens à préciser que, parfois, la personne handicapée est la seule du couple à avoir un revenu. Toutes les personnes handicapées ne sont donc pas en situation de dépendance.

C'est un sujet très complexe, sur lequel je suis interpellée régulièrement et sur lequel nous travaillons avec les associations.

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