Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du jeudi 7 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

Les crédits de la mission « Solidarité » ont globalement augmenté de 30 % depuis le début du quinquennat, et cette hausse touche quasiment tous les programmes. Les mesures ayant été présentées en détail par la rapporteure spéciale, je concentrerai mon intervention sur l'action 19 du programme 304, qui prévoit de consacrer 215 millions d'euros au déploiement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

En progression de plus de 50 millions d'euros par rapport à l'an dernier, ces affectations traduisent la montée en puissance de la stratégie qui se poursuivra jusqu'en 2022, sous la responsabilité de plusieurs ministères et la coordination d'un délégué interministériel et des hauts commissaires régionaux. Le Gouvernement s'est attaché à travailler avec les collectivités chargées des politiques de solidarité afin d'en faire un projet commun ascendant, au plus près des territoires.

Cette approche a débouché sur un premier succès : à l'exception de deux d'entre eux pour des raisons sans lien avec la stratégie elle-même, tous les départements et deux métropoles ont signé un contrat avec l'État. L'esprit de coconstruction qui a prévalu a grandement concouru au climat positif dans lequel se sont déroulés les échanges. De même, l'implication des secrétaires d'État Christelle Dubos et Adrien Taquet ainsi que les engagements pris par le Gouvernement y ont largement contribué. La contractualisation avec les départements vise à cibler leur action sur la lutte contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance, les politiques d'insertion professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active, l'amélioration des premiers accueils sociaux et des délais de prise en charge, les référents de parcours, la mise en place de maraudes mixtes entre l'État et les départements, le renforcement de la prévention spécialisée et la formation des travailleurs sociaux. L'État et les collectivités territoriales se sont dotées d'outils d'ingénierie sociale communs donnant une vision d'ensemble de la progression de ces politiques publiques dans les territoires.

D'autre part, l'action 19 finance plusieurs mesures d'investissement social : les points conseil budget, les petits-déjeuners à l'école, la tarification sociale des cantines ou encore le bonus mixité sociale dans les crèches. Destinées pour l'essentiel aux enfants, ces mesures sont encore en cours de déploiement et les collectivités concernées peuvent recevoir le soutien de l'État.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dépasse le seul cadre de cette mission. En tout, ce sont 8,5 milliards d'euros qui lui sont destinés, principalement au bénéfice de l'enfance, de la jeunesse et de l'insertion par l'emploi. L'objectif est de faciliter l'accès aux droits essentiels comme le logement et les soins, et surtout de casser les mécanismes de reproduction de la pauvreté.

Malgré ces points positifs, les auditions ont toutefois fait apparaître plusieurs points méritant d'être approfondis. Sans méconnaître les dispositifs existants, je pense qu'il faut accentuer les mesures d'accès à la culture, au sport et aux loisirs car ce sont là de véritables moyens d'émancipation et d'ouverture, et des catalyseurs d'insertion. En ce qui concerne les étudiants, ils sont de plus en plus nombreux à ne pas avoir de complémentaire santé. Un travail pourrait être mené pour pallier ce défaut et, le cas échéant, leur faciliter l'accès à la complémentaire santé solidaire. Enfin, les centres communaux d'action sociale – CCAS – ont de plus en plus de mal à exercer la mission qui leur incombe en vertu de la loi instituant le droit au logement opposable, la loi DALO : la domiciliation des personnes sans abri, qui est pourtant la clef de l'accès aux droits. Il pourrait être envisagé d'affecter à cette cause des moyens supplémentaires.

Je souhaite évoquer une situation qui transparaît peu dans la stratégie : celle des migrants, qu'ils soient réfugiés ou en situation irrégulière, qui sont l'angle mort de la stratégie alors qu'ils constituent une part non négligeable des personnes en grande précarité. Si certaines mesures – comme les maraudes mixtes État-département – les concernent, c'est de façon indirecte et, le plus souvent, en tant que parents d'enfants en danger. Certains habitent dans des hôtels sociaux pendant plusieurs années ou changent fréquemment de domicile, ce qui entrave la scolarisation régulière des enfants et, donc, l'apprentissage. L'accès aux soins est complexe et risque de le devenir davantage. J'espère que les propositions que le Premier ministre a formulées hier permettront de leur simplifier l'accès au travail.

En clair, je souhaite que la réflexion soit élargie et puisse prendre en considération la situation de ces personnes confrontées à des situations de grande vulnérabilité sociale et sanitaire, afin que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ne laisse aucun public de côté. Donnons aux politiques de solidarité une ambition forte ; la France doit rester fidèle à ses valeurs, et continuer d'en être fière.

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