Intervention de Aurore Bergé

Séance en hémicycle du mardi 12 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurore Bergé :

Alors que ce projet de loi de finances est le troisième que j'examine en tant que parlementaire, j'ai acquis une conviction claire : le budget de la culture est toujours un budget de combat ; jamais acquis, il ne va jamais de soi. Plus que tout autre, il doit se justifier, prouver sa nécessité. Il représente pourtant à peine plus de 2 % du budget de l'État, je dis bien 2 %.

Dans ces 2 %, il faut faire tenir un patrimoine que le monde entier nous envie et pour lequel le monde entier accourt. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la programmation actuelle de nos grands musées parisiens – Vinci, Degas, Toulouse-Lautrec, Seurat, Turner ou Bacon – , les créations de nos opéras, nos festivals de photographie, de théâtre, de danse, de cirque, de toutes les musiques ou encore l'émotion internationale suscitée par les flammes au sein de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Ces 2 % disent plus que tout ce qu'est l'identité de notre pays et ce qu'elle inspire dans le reste du monde : quand le Président de la République se rend en Chine, c'est pour y inaugurer une antenne du Centre Pompidou à Shanghai.

Ces 2 % sont destinés aux auteurs, aux créateurs, aux passeurs d'art et de culture, à tous ceux qui inspirent, racontent, ébranlent et bousculent, trouvent les mots, les sons, les gestes, les images pour interroger et dire le monde.

Ces 2 % couvrent tous les territoires parce que la fracture culturelle n'est jamais loin de la fracture sociale, et inversement. Parce qu'après être allée à Fresnes-au-Mont pour y découvrir le projet Vent des Forêts, au coeur de la Meuse la plus rurale, je sais ce que la culture permet. La présence de créateurs sur ce territoire lui redonne sa fierté, porte son rayonnement au-delà de nos frontières, inspire enfants et adultes, réconcilie, permet l'alliance de tous – élus, associatifs, enseignants. Tout est culture.

Il y a trente-trois ans, lorsque Jack Lang présentait son premier budget de la culture, il prononçait les mots suivants, dont l'actualité n'a pas varié : « Sur le chemin des interrogations décapantes, posons la question des questions : un ministère de la culture, pour quoi faire ? Pour éclairer d'un petit coin de ciel bleu le sévère appareil de l'État ? Pour apaiser les consciences malheureuses ? Pour féconder l'avenir ? » Et il répondait ceci : « Une France en marche, une France au travail, c'est avant tout une France foisonnante et inventive, une France confiante en elle-même, explorant les gisements encore insoupçonnés de son intelligence. »

Cette réponse ne sera peut-être pas considérée par tous comme suffisante. C'est dommage. Elle est éminemment politique et essentielle. Ce combat, nous devons le poursuivre, et c'est ce que nous faisons : en choisissant de maintenir l'effort budgétaire en faveur de la culture pour tous avec un budget en hausse ; en réaffirmant des priorités claires pour ce ministère fondé il y a soixante ans, fruit de la rencontre entre deux hommes d'exception, le général de Gaulle et André Malraux, fruit d'une ambition claire et audacieuse, assurer la « mission de rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ».

Les missions se sont affermies, enrichies, l'action – ou la démocratisation – culturelle s'est développée, avec le constat que la rencontre des oeuvres ne se suffisait pas à elle-même et l'affirmation d'une certaine idée de la place et du rôle des artistes. C'est tout le sens d'une politique d'émancipation par la culture et les arts, et l'enjeu de l'éducation artistique et culturelle. À l'issue du quinquennat, chaque enfant de France devra pouvoir bénéficier d'une éducation artistique et culturelle. Près de 100 millions d'euros y sont consacrés en 2020 pour permettre l'accès à tous les arts et toutes les esthétiques, pour renforcer le déploiement des pratiques artistiques, de la lecture à la chorale, de la musique au sein d'un orchestre au théâtre, des arts du cirque à la danse, de l'éducation à l'image à l'expérience de spectateur de cinéma.

Notre politique passe par la transmission et la protection de notre patrimoine et par le développement de projets qui soient à la hauteur de notre pays, à l'instar de la restauration du château de Villers-Cotterêts, à laquelle l'État consacrera 43 millions d'euros en 2020, dans l'objectif d'y ouvrir une Cité internationale de la langue française.

La volonté de transmission suppose de replacer les artistes et les auteurs au coeur de la République, en menant une réflexion prospective et multidisciplinaire sur l'auteur et l'acte de création, comme celle engagée par Bruno Racine, ou en favorisant la mise en place d'un environnement économique et social plus favorable aux artistes et aux acteurs, avec la rénovation et le renforcement du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle – le FONPEPS – et la pérennisation du dispositif de compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs.

Le ministère de la culture a soixante ans. Son action est plus que jamais un combat visant à vaincre les assignations à résidence identitaire, sociale ou géographique, renforcer notre cohésion nationale et réaffirmer notre pacte républicain. Le budget présenté maintenant, qui se place résolument dans cette perspective, constitue une chance que nous devons saisir.

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