Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du jeudi 21 novembre 2019 à 9h00
Accession de la macédoine du nord à l'organisation du traité de l'atlantique nord — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Je commencerai par dire mon désaccord profond et total avec la méthode qui guide la majorité de nos discussions relatives aux projets de loi autorisant la ratification d'accords internationaux. Disons-le tout net : l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN a déjà été signée par les pays membres de l'OTAN, le mercredi 6 février à Bruxelles, alors qu'aucun débat parlementaire préalable n'avait eu lieu. Certes, il nous appartient de ratifier, mais je n'approuve pas cette méthode qui consiste à engager la parole de la France avant d'organiser ce type de débat, qui apparaît donc assez marginal.

Comme vous ne nous en laissez pas le choix, je me contenterai de réaffirmer mon désaccord profond concernant l'OTAN elle-même. À cet égard, j'ai trouvé un allié en la personne du Président de la République, dont les déclarations du 7 novembre ne nous ont pas laissés indifférents. Pour reprendre ses mots, l'OTAN serait en situation de « mort cérébrale ». Et c'est cet organisme-là, qualifié de la sorte par le plus haut personnage de l'État, que vous souhaitez une fois de plus élargir, sans mener auparavant une réflexion plus approfondie – même si j'ai bien entendu, madame de Sarnez, que vous formez le même voeu.

La « mort cérébrale » de cet organisme signifie qu'il est aujourd'hui incapable de diriger et de réfléchir activement. Ce ne serait toutefois pas une véritable mort, à en croire une déclaration de Florence Parly, selon qui il s'agirait plutôt d'un « état de crise ». Ce constat, nous le faisons depuis longtemps. Les raisons de ces déclarations sont connues : il s'agit essentiellement de l'offensive de la Turquie contre les Kurdes, avalisée par les Nord-Américains, mais sans aviser préalablement leurs partenaires de l'OTAN. Une telle initiative guerrière a peut-être eu l'effet d'une étincelle qui a rendu l'exécutif clairvoyant.

Si nous pouvons vous éclairer davantage, rappelons l'exigence répétée des présidents des États-Unis que chacun des États membres de l'OTAN consacre 2 % de son PIB aux dépenses militaires. Ce tribut impose une tutelle à des pays prétendument libres et a pour objectif inavoué de relancer l'industrie de guerre des États-Unis. C'est tout l'enjeu de ces manoeuvres. Le but, à peine voilé, est de faire acheter aux membres de l'OTAN du matériel qui soit interopérationnel avec celui des États-Unis. En la matière, la Macédoine du Nord ne sera pas épargnée.

Pourquoi faire entrer ce pays dans l'OTAN si ce n'est pour arracher cette ancienne république yougoslave à l'influence russe ? Pouvons-nous sincèrement penser qu'un tel rapprochement permettra une désescalade dans un contexte de tensions exacerbées sur le continent européen ? Ce sera l'inverse !

Nous tenons en conséquence à réaffirmer notre doctrine : celle d'un indépendantisme français, seul à même de défendre les intérêts de la France au service de la paix. De l'Afghanistan au Kosovo en passant par la Libye, la preuve n'est plus à faire que l'OTAN est, davantage qu'autre chose, une machine de guerre à l'origine de provocations multiples. Sur les théâtres d'opérations où cette organisation s'est déployée, sa politique belliciste n'a fait qu'aggraver des tensions et déstabiliser des régions.

En mars dernier, des manoeuvres de l'OTAN en Géorgie mettaient une nouvelle fois le feu aux poudres avec la Russie. En novembre 2018, l'OTAN a conduit en Norvège l'exercice Trident Juncture, soit les plus grosses manoeuvres militaires depuis la guerre froide : 50 000 soldats provenant de trente et un pays, dont 3 000 soldats français, étaient mobilisés aux portes de la Russie. De telles manoeuvres ne sont pas des opérations défensives visant à promouvoir la paix. Nous pensons qu'elles alimentent une spirale particulièrement dangereuse.

Faut-il rappeler que, pour se prémunir d'un tel chaos, le général de Gaulle, dont certains ici se réclament peut-être encore, avait bataillé en 1963, lors de la signature du traité de l'Élysée avec l'Allemagne, pour protéger notre souveraineté en en excluant toute référence à l'Alliance atlantique ?

Depuis 1999, sans relâche, l'OTAN a successivement intégré les anciens satellites de l'URSS. L'adhésion de la Macédoine du Nord entérine cette expansion jusqu'aux flancs du territoire russe. Alors même que nouveaux territoires sont placés sous le giron des États-Unis, les provocations se succèdent sans répit.

On a vu de quelle manière la Turquie, membre de l'OTAN depuis 1952, a mené une offensive illégale et criminelle contre le peuple kurde, qui avait pourtant combattu avec acharnement l'État islamique pendant près de cinq ans. En l'espèce, l'OTAN n'a en aucune façon montré qu'elle représentait une force de paix et de stabilité dans la région.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons non seulement de refuser que cet accord soit ratifié, mais aussi de reprendre notre indépendance militaire et stratégique en nous posant la question de cesser notre participation à l'OTAN.

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