Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je suis heureuse de vous présenter les crédits de la mission Justice dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Pendant la campagne présidentielle, le président de la République a affirmé ses ambitions pour la justice, et la première annonce du discours de politique générale du Premier ministre a porté sur l'élaboration d'une loi de programmation pour notre ministère.

Ce budget traduit concrètement la priorité que le Gouvernement donne à la justice. Le budget du ministère augmentera de 3,9 % en 2018 à périmètre constant. Une telle progression n'a été égalée en 2016 et dépassée en 2017 que grâce aux moyens exceptionnels destinés aux plans de lutte contre le terrorisme. Elle est très supérieure à la moyenne de la progression annuelle constatée depuis 2012, qui était de 2,6 %. Mille emplois seront créés en 2018 ; c'est un niveau supérieur aux créations d'emplois des années 2012 à 2017 si l'on excepte la dotation exceptionnelle au titre des plans de lutte contre le terrorisme.

Le budget 2018 prévoit également une progression des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de 4,9 %. C'est beaucoup plus que le taux de progression annuelle au cours du précédent quinquennat, qui n'a été que de 2,2 % en moyenne.

Mais, en dépit de tout leur intérêt, les augmentations budgétaires ne seront efficaces que si nous nous lançons en même temps dans une transformation en profondeur de la justice.

J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de présenter à la commission des lois les cinq chantiers de la justice que je viens de lancer. Ils portent sur la transformation numérique, l'amélioration et la simplification de la procédure pénale et celles de la procédure civile, l'adaptation de l'organisation judiciaire et enfin le sens et l'efficacité des peines. Les conclusions de ces chantiers, qui me seront remises le 15 janvier prochain, se traduiront dans la loi de programmation de la justice qui vous sera présentée au printemps 2018.

Le budget 2018 s'inscrit dans ce cadre et traduit trois ambitions claires. Il contribue à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice ; il permet de renforcer l'efficacité des peines ; il traduit la volonté de porter une attention particulière aux plus démunis.

Ce budget contribuera à l'amélioration du fonctionnement quotidien de la justice, Je souligne d'emblée que 39 % des crédits sont consacrés aux services judiciaires ; c'est autant que ceux qui sont consacrés à l'administration pénitentiaire. Ainsi, 148 emplois seront créés en 2018, dont 100 emplois de magistrats pour renforcer nos juridictions et 48 emplois de juristes assistants pour poursuivre la constitution d'équipes autour des magistrats. Par ailleurs, grâce aux réformes engagées dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et à la dématérialisation, 183 emplois pourront être redéployés et affectés à de nouvelles missions, notamment pour faire face à la hausse de l'activité des juges des libertés et de la détention et pour développer l'assistance des greffiers auprès du parquet.

Les crédits de fonctionnement augmenteront de 9,9 % et seront portés au niveau préconisé par un récent rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice.

Les crédits immobiliers des services judiciaires augmenteront de plus de 30 %. Ils permettront la mise en service du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles et favoriseront la mise à niveau de certains tribunaux de province. Une enveloppe de 21 millions d'euros d'autorisations d'engagement permettra de lancer les travaux nécessaires à l'adaptation du réseau judiciaire, et notamment l'accueil des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité au sein des palais de justice à compter du 1er janvier 2019.

Le plan de transformation numérique trouvera également sa traduction dans le budget 2018, avec des crédits importants et la création de 50 emplois destinés à renforcer les équipes nécessaires pour assurer le déploiement de ce plan.

Le budget pour 2018 permettra également de renforcer l'efficacité des peines ; c'est notre deuxième priorité. Notre parc pénitentiaire n'est pas adapté à la population détenue et ne permet pas de respecter les exigences d'encellulement individuel. La construction de 15 000 nouvelles places de prison annoncée par le Président de la République est donc une priorité. En 2018, 470 emplois seront créés qui permettront l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires d'Aix 2 et de Draguignan et la réouverture de La Santé à Paris. Vingt-six millions d'euros de crédits sont prévus pour lancer une première vague de cinq maisons d'arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie, ainsi que l'acquisition de foncier nécessaire à la construction de futurs établissements. Bien entendu, même si nous devons hâter ces constructions, l'ensemble de ce programme ne se réalisera pas immédiatement : ces 15 000 nouvelles places ne seront pas disponibles demain.

C'est pourquoi nous devons revoir en profondeur notre système d'exécution et d'application des peines. Ces évolutions impliqueront un renforcement des services d'insertion et de probation dans le cadre de la loi de programmation. Cent cinquante emplois seront ainsi créés en 2018 pour renforcer le suivi des personnes placées sous main de justice.

Nous devrons également poursuivre le renforcement de la sécurité et la lutte contre la radicalisation au sein des établissements pénitentiaires ; dix millions d'euros de crédits sont prévus en 2018 pour accroître ou rénover les dispositifs de sécurité installés dans les établissements pénitentiaires et pour développer le système d'information du renseignement pénitentiaire ; 35 emplois supplémentaires seront créés dans ce cadre.

L'objectif d'efficacité des peines concerne également la protection judiciaire de la jeunesse. Le Président de la République avait annoncé pendant la campagne la création de cinquante nouveaux centres éducatifs fermés mais ce nombre semble excessif au regard des besoins ; aussi, nous nous orientons vers la création d'une vingtaine de ces centres. Cela étant, la création de centres éducatifs fermés ne peut servir que si les mineurs bénéficient d'un parcours éducatif cohérent et de prises en charge diversifiées, en milieu ouvert ou en milieu fermé. Aussi, quarante emplois d'éducateurs seront créés en milieu ouvert. Les crédits de fonctionnement et d'investissement progresseront de plus 6 millions d'euros, soit 2 %, notamment pour adapter les locaux d'hébergement à la diversification des modes de prise en charge.

Enfin, le budget que je vous présente porte une attention particulière aux plus faibles et aux plus démunis. Les moyens de l'aide juridictionnelle progressent de 8,7 %, pour atteindre 438 millions d'euros auxquels s'ajoutent 83 millions d'euros de ressources affectées. C'est donc plus d'un demi-milliard d'euros qui est consacré à l'accès au droit pour chaque citoyen, notamment pour les personnes les plus vulnérables.

Cette progression permet de tenir les engagements pris par le précédent Gouvernement concernant la fixation de l'unité de valeur qui sert de base au calcul de la rétribution des avocats, mais elle ne suffira pas à pérenniser le financement de l'aide juridictionnelle. Parce que je souhaite simplifier l'accès à l'aide juridictionnelle en réfléchissant à une organisation nouvelle, nous avons décidé de lancer une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de la justice à ce sujet. Elle devra notamment proposer des solutions de financement pérenne.

L'appui aux plus démunis concerne également l'aide aux victimes. Les crédits qui lui sont destinés augmentent de 6,3 %. Cette hausse, conjuguée à la création de la délégation interministérielle de l'aide aux victimes qui m'est rattachée, permet de garantir que les victimes d'acte de terrorisme mais aussi celles des ouragans qui viennent de toucher si durement les Antilles pourront bénéficier d'un suivi psychologique, social et juridique et que les moyens seront donnés pour que le réseau associatif puisse se mobiliser auprès d'eux.

Vous l'avez compris, ce budget 2018 est une première étape de la mise en oeuvre de la transformation de la justice. Je vous ai indiqué quels chantiers le Gouvernement a lancés. Je souhaite qu'ils soient menés en écoutant l'ensemble des acteurs de terrain et, bien entendu, les parlementaires, et qu'ils avancent vite pour que je puisse revenir vous présenter la loi de programmation pour la justice.

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