Intervention de Philippe Prudhon

Réunion du jeudi 7 novembre 2019 à 9h00
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques :

En complément des informations que vient de vous donner Magali Smets, je vais vous fournir des renseignements plus détaillés sur la partie réglementation, notamment avec les aspects flux de marchandises. La première chose qu'il faut faire sur un site, c'est l'inventaire des produits qui sont présents sur le site, de façon à obtenir son classement. Plus le potentiel de danger est important, plus on va monter haut dans l'échelle de classement, le plus simple étant une simple déclaration, puis l'enregistrement, puis l'autorisation, puis Seveso « seuil bas », puis Seveso « seuil haut ». Donc plus le potentiel est important, plus les exigences associées sont strictes et importantes pour les exploitants.

Vous avez posé la question de la reconnaissance du produit. Dans le cadre d'un règlement européen qui s'appelle Classification et étiquetage, nous devons définir quelle est la classification du produit. Un exemple : « Ce produit est inflammable », ce qui fait que quand il va rentrer sur un site industriel, il va être classé suivant la rubrique inflammable. Si un produit est toxique, quand il va rentrer sur un site industriel, il va être dans la rubrique installations classées pour l'environnement (ICPE) toxiques. Il appartient à l'exploitant de faire l'inventaire de toutes ces familles de produits, en nature et en quantité. Est-ce que j'ai 50 tonnes de produits inflammables ? Est-ce que j'ai 10 tonnes de produits toxiques ? Cela va permettre de définir le classement du site. Par exemple, compte tenu des quantités que j'ai, je suis un établissement Seveso « seuil bas ». C'est absolument indispensable.

Sur cette base-là, on va faire des études de danger, on va donc étudier tous les scénarios possibles et imaginables. C'est un des apports de la loi Bachelot, qui a demandé aux exploitants d'étudier tous les phénomènes dangereux. Magali Smets parlait par exemple d'un millier de cas possibles. Je confirme, puisqu'on doit prendre tous les cas de figure possibles, de façon à voir quel est l'aléa.

Toutes ces informations-là sont adressées à l'inspecteur DREAL en toute transparence, de façon à ce qu'il juge la qualité des informations qu'il a reçues. Si besoin, il va nous redemander un certain nombre d'informations voire faire de tierces expertises, parce qu'il aura besoin d'un complément d'information ou d'un avis sur tel ou tel point.

Ceci étant, une fois que les PPRT en termes d'études de danger ont été réalisés, l'inspecteur DREAL va pouvoir délivrer une autorisation, mais pour avoir cette autorisation d'exploiter, il y a un certain nombre d'exigences à respecter. Bien entendu, l'exploitant doit absolument respecter ces exigences. Les PPRT ont une deuxième ambition, c'est de corriger les erreurs du passé en termes d'urbanisme, ce qui permet justement d'informer les voisins, qu'il s'agisse des activités économiques ou des riverains, sur les différents risques et de prendre un certain nombre de mesures appropriées. Il y a des mesures du type de l'expropriation quand le risque est trop important, des mesures du type du délaissement, c'est-à-dire que le riverain peut dire au bout de x mois ou années : « Je ne souhaite plus rester dans cette zone-là, je souhaite que vous me repreniez mon logement » ou, dans les situations pour lesquelles les risques sont plus faibles en termes d'intensité, le renfort sur le bâti. S'il y a un nuage toxique, c'est avoir une pièce de confinement de façon à rester protégé à l'intérieur de son domicile et ne pas prendre la voiture.

Par rapport à ces trois phénomènes dangereux qui sont l'incendie, la partie toxique et la partie explosion, on définit des zones et à partir de ces zones-là, il y a des règles qui sont établies en termes de protection.

Vous avez parlé du Livre blanc d'Amaris, dont nous partageons l'esprit en termes de conclusion. Je crois qu'il faut parler de « culture de la sécurité ». Les experts peuvent faire des distinctions entre « culture du risque » et « culture de la sécurité », ce qui est important c'est d'avoir une « culture de la sécurité » qui consiste à diminuer le risque « à la source ». L'exploitant diminue ainsi ses risques et doit définir des barrières pour éviter que le phénomène dangereux arrive. Que faut-il faire pour ne pas avoir d'incendie ? Et quand malheureusement, puisque le risque zéro n'existe pas, même si l'on cherche à s'en approcher, on n'a pas pu l'éviter, alors il faut à nouveau des barrières pour en limiter les conséquences. C'est vraiment un phénomène important.

Après, par rapport aux riverains, il faut pouvoir échanger en toute situation, pas seulement en situation de crise, de façon à partager cette culture sécurité que certains appellent parfois résilience du territoire. Je pense que sur ces aspects-là, on a pu répondre sur les différents points.

Sur la partie BARPI. Il s'agit d'une base extrêmement importante pour nous, car quand on fait une étude de danger, la première des choses que l'on doit faire est d'interroger cette base pour récupérer tous les évènements liés à notre type d'activité et démontrer à l'inspecteur de la DREAL qu'on a mis en place un certain nombre de dispositions qui permettent d'éviter l'incident qui est décrit dans la base du BARPI. C'est vraiment important et cela montre bien la boucle de progrès qui doit être faite pour s'assurer d'une bonne gestion des risques. C'est vrai que le BARPI a mentionné un certain nombre d'augmentations des incidents, pas que des accidents, ce qui peut être un signe plutôt positif en termes de culture sécurité, c'est-à-dire faire remonter davantage les incidents. Plus il y aura une liste exhaustive des incidents, plus la base sera riche et plus les exploitants pourront en tirer profit.

Concernant les sites Seveso, je n'ai plus le rapport sous les yeux, mais à ma connaissance, il n'y avait pas cette croissance. Mais peu importe, ce n'est pas l'objet. Ce que je voudrais retenir sur la base du BARPI, c'est qu'il est absolument important de continuer à l'alimenter, c'est une richesse pour nous. Un exemple très concret : les équipements sous pression n'étaient pas enregistrés, il y a quelques années. Il a été décidé d'enregistrer tous ces évènements liés aux équipements sous pression, ce qui pour nous est aussi une richesse, parce que malgré tous les efforts que peut faire la fédération pour rédiger des guides, faire des formations... Cette base-là est partagée par nous tous.

Peut-être un troisième point sur la partie simplification de la réglementation. Premièrement, nous sommes pour la réglementation, nous avons besoin d'un cadre réglementaire de façon à voir comment travailler dans de bonnes conditions. Il faut qu'elle soit proportionnée et efficace. Un exemple pour illustrer les propos. Si vous êtes en Ile-de-France et que vous avez deux phénomènes à étudier, l'inondation et le séisme, il nous paraît plus pertinent de focaliser nos travaux, nos efforts et nos actions sur l'inondation plutôt que sur le séisme, l'Ile-de-France n'étant absolument pas réputée pour être une zone sismique. C'est ce que signifie être proportionné et efficace.

Vous avez également parlé de la loi Pacte, je pense que c'est plutôt la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) et la loi « Énergie ». Peut-être un petit historique, parce qu'en fait, pour nous, ce n'est pas tellement une simplification, c'est plutôt une organisation des services de l'État qu'il ne nous appartient pas de juger, mais il faut avoir en tête qu'au niveau de l'autorité environnementale, il y a deux directives qui avaient été mises en oeuvre en 2001 et 2011. La France a traduit ces deux directives en droit français, en 2016. Le deuxième moment, c'est quand le Conseil d'État a annulé en partie cette loi. À partir de décembre 2017, on s'est retrouvé dans un flou juridique qu'il était donc important de corriger. Les lois ESSOC et « Énergie Climat » ont contribué à clarifier ce flou juridique entre, d'une part, l'autorité environnementale qui donne un avis sur la qualité des études qui ont pu être menées et, d'autre part, l'autorité qui examine au cas par cas, pour savoir s'il faut aller sur une évaluation environnementale complète. Mais l'évaluation environnementale complète est la fin, l'aboutissement, en sachant qu'il faut faire une étude d'incidence, donc ce n'est pas l'abandon, c'est au contraire essayer de voir comment être le plus efficace. Sachez qu'en France, il y a quand même 10 000 modifications par an, pour un peu plus de 40 000 installations autorisées. Une fois de plus, il ne nous appartient pas de juger si les effectifs doivent être mis à droite ou à gauche ! Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas une simplification, c'est une clarification sur le plan juridique, des différentes équipes. Après, quand on parle de la loi ESSOC, c'est vrai qu'avant août 2018, c'était l'autorité environnementale qui faisait systématiquement une analyse au cas par cas. À partir de cette date avec la loi ESSOC, et notamment son article 62, c'est le préfet, avec tous ses services compétents, qui juge ce point-là et qui a autorité pour dire s'il faut y aller ou pas. Ce n'est pas une simplification et nous aimerions en avoir une parce que c'est important pour être efficace et mettre tous nos efforts là où c'est absolument prioritaire.

Vous avez parlé d'un bureau accidents et risques. Aujourd'hui, nous estimons qu'il y a deux aspects. Premièrement, Magali l'a répété, l'inspecteur DREAL est celui qui, après l'exploitant, connaît le mieux le site. Pourquoi ? Parce qu'il est deux à trois fois par an en visite sur nos sites et vous avez compris qu'on lui remet beaucoup d'études donc il analyse tous ces documents qui peuvent représenter des centaines de pages. S'il y a bien quelqu'un qui connaît l'installation qu'il supervise, c'est l'inspecteur. C'est en ce sens-là qu'il nous paraît tout à fait crédible et indépendant pour juger de la qualité de nos propos.

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