Intervention de Anne-Cécile Mailfert

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 15h10
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes :

Il y a effectivement une rupture d'égalité dans notre pays. À ce titre, je vous alerte sur le développement d'expérimentations, excellentes pour les territoires dans lesquels elles ont lieu, mais qui laissent les autres de côté. Donc attention aux expérimentations qui en réalité ne concernent pas beaucoup de femmes. Je pense par exemple à ce qui se passe à Créteil, c'est très bien, mais il faudrait pouvoir rapidement généraliser ces initiatives.

Les associations mènent un travail d'ampleur, mais il reste des départements dans lesquels il n'existe aucune association spécialisée sur les violences faites aux femmes. Il faut absolument continuer à les aider à se développer et à se multiplier.

Sur les modalités du bracelet anti-rapprochement, deux questions se posent pour moi. La première est une question financière : un tel bracelet coûte 6 euros par jour et par couple puisque les deux le portent. Il faudrait un budget d'environ 5 millions d'euros par an pour développer ces bracelets. Nous plaidons surtout pour que les auteurs de violences porteurs de ces bracelets puissent être suivis par des associations spécialisées car il faut absolument un accompagnement psychosocial.

Il existe deux modalités de bracelet anti-rapprochement : une des modalités est un bracelet qui sonne lorsque l'agresseur s'approche, ce qui met la femme dans un état de stress aigu, c'est comme si elle était responsable de sa propre sécurité. Ce système existe au Portugal, mais nous ne le recommandons pas. En revanche, en Espagne, c'est auprès d'une intermédiation qui pourra prévenir la police que se fera l'alerte. Dans ce cas, la femme ne se rend même pas compte que son ancien agresseur ou son conjoint violent a pu s'approcher. C'est dans ses modalités que nous allons pouvoir voir si ce dispositif est bien pensé ou non.

La sensibilisation à l'égalité dès le plus jeune âge, même si on prend l'angle des féminicides pour attirer l'attention de l'opinion sur le sujet, doit porter sur tout type de violences, sexistes et sexuelles. Inégalité et violence sont les deux faces d'une même médaille qui est la domination masculine. Il faut absolument pouvoir traiter les deux.

M. Blanquer agit sur la sensibilisation des écoliers sur l'environnement ; la création d'éco-délégués et de circulaires pour favoriser l'enseignement de l'environnement est très bien, mais nous l'encourageons à le faire aussi sur l'éducation à l'égalité. Pourquoi pas, à côté des éco-délégués, des égalité-délégués dans chaque école.

Dans le cadre du service national universel (SNU), on pourrait tout à fait insérer ce fameux brevet de non-violence. C'est un public adolescent qui se pose énormément de questions.

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que dans les fiches que nous allons vous faire parvenir et qui ont été rédigées avec toutes les associations, vous verrez que nous proposons un certain nombre de dispositifs pour faire progresser les sujets judiciaires tels que :

- l'amélioration de l'aide juridictionnelle pour les femmes victimes de violences, qui est aujourd'hui très insuffisante. Les avocats n'ont aucun intérêt à défendre des femmes victimes de violences, car cela les met en précarité économique ;

- le sujet de l'identité d'emprunt ; En France, quand on témoigne contre la mafia, on peut demander à changer d'identité. De la même manière, certaines femmes ont besoin de se cacher, d'avoir une identité d'emprunt, car elles sont poursuivies par leurs conjoints violents.

- l'amélioration de l'indemnisation du préjudice, de la prise en compte de l'incapacité temporaire travail (ITT) pour calculer les indemnisations et le faire de manière plus rapide.

Certaines de ces propositions figurent dans la Convention d'Istanbul. Le rapport du Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui a analysé la situation en France l'année dernière va être publié courant octobre et va rappeler un certain nombre d'engagements que notre pays est censé respecter. Autant s'aligner tout de suite avec cette Convention que nous avons ratifiée.

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