Intervention de Valérie Beauvais

Séance en hémicycle du lundi 9 décembre 2019 à 16h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Beauvais :

Mes chers collègues, nous débutons aujourd'hui l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Le titre de ce texte, qui nous est présenté comme l'alpha et l'oméga d'une politique écologique devant conduire notre pays vers une transformation profonde grâce à l'économie circulaire, nous semble quelque peu usurpé. Peuplé d'une multitude de petites mesures sans cohérence d'ensemble, il s'apparente davantage à une grande loi sur les déchets, certes souhaitable et bienvenue, qu'à une loi de transition de notre économie ; en cela, il est très éloigné des préconisations du Gouvernement.

Mais il est désormais évident pour nombre d'entre nous que la réduction de notre empreinte carbone et une consommation plus vertueuse doivent faire partie intégrante de notre quotidien. Dès lors, si ce projet de loi, certes moins ambitieux qu'attendu, peut accélérer la réduction des déchets et favoriser un meilleur retraitement, nous ne pouvons qu'y souscrire. Et, en effet, les trois titres principaux du texte – l'information du consommateur, les objectifs stratégiques de gestion et de prévention de la production des déchets ainsi que la responsabilité des producteurs – vont dans ce sens. Soyez certaine, madame la secrétaire d'État, que nous sommes prêts à nous engager en faveur d'une plus grande sobriété dans la consommation des matières, à favoriser le réemploi et à soutenir l'économie circulaire.

Encore convient-il de ne pas céder aux solutions simplistes, trop éloignées de la réalité et dont la mise en oeuvre soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. C'est notamment le cas de votre projet de consigne pour recyclage dont, madame la secrétaire d'État, vous faites le symbole de ce texte.

Soyez certaine que, comme nombre de nos concitoyens adeptes du tri sélectif, je fais bien la différence entre la consigne des contenants pour réemploi, laquelle entraîne une réduction de la production, et la consigne de contenants recyclables, comme les bouteilles en plastique. Parmi les arguments à l'encontre de l'instauration de la consigne pour recyclage figure l'absence de concertation et d'étude d'impact. Relevons qu'à ce jour l'ADEME, organisme auquel incombe institutionnellement l'évaluation de tels dispositifs, se dit incapable de se prononcer. Quelle est la nécessité absolue d'atteindre l'objectif européen de 90 % de bouteilles recyclées en 2025, quand on sait que les taux actuels de collecte des ménages sont bons, en moyenne de 70 %, et progressent de manière constante ?

De surcroît, le développement de la tarification incitative, principe vertueux par excellence, donne d'excellents résultats au niveau de la collecte. Si des efforts doivent être consentis, c'est sur la collecte hors foyer, dont vous ne parlez pas, qui représente 30 % des bouteilles en plastique.

La consigne est, par ailleurs, une mauvaise nouvelle pour le consommateur. Demain, sa bouteille sera plus chère d'environ 15 centimes et il devra la stocker et la rapporter au magasin. Comment seront organisés les points de collecte, notamment en milieu rural ? Madame la secrétaire d'État, vous vous prévalez du soutien de l'opinion publique pour défendre la consigne pour recyclage : il suffit pourtant de l'expliquer aux gens pour qu'ils changent d'avis.

La consigne va également à l'encontre des modèles de collecte mis en oeuvre par les collectivités, lesquelles, je le rappelle, ont fortement investi au cours des dernières années. L'adoption de la consigne pour recyclage ferait donc fi de ces engagements financiers, dont un bon nombre sont actuellement suspendus.

Un dernier argument – s'il ne fallait en retenir qu'un, ce serait celui-là : la consigne est un non-sens environnemental, puisqu'elle conduit à verdir l'image du plastique au lieu d'en réduire la production et risque d'entretenir, voire d'augmenter, la consommation de bouteilles en plastique à usage unique. Quand un contenant est fabriqué avec 30 % de plastique recyclé, il a fallu 70 % de plastique nouveau. C'est un cercle vicieux. Tous les pays qui ont adopté un tel système, à commencer par l'Allemagne, voient aujourd'hui exploser le plastique à usage unique.

Nous vous proposons donc un dispositif de consigne pour réemploi. Le groupe Les Républicains a déposé un amendement en ce sens et nous ne comprendrions pas que vous ne souteniez pas cette initiative. La mise en oeuvre de cette consigne pour réemploi se justifie d'autant plus qu'elle permettrait non seulement de garantir une sortie des déchets des circuits de collecte pour recyclage, mais aussi de réduire fortement la production de plastique. C'est donc une proposition vertueuse que nous vous faisons, madame la secrétaire d'État.

Nous espérons que la nature de nos travaux en séance sera plus constructive que durant l'examen du texte en commission : à plusieurs reprises, vous avez considéré que nos amendements étaient opportuns, mais au lieu de les voter, vous avez préféré les rejeter avant de les reprendre à votre compte. En matière parlementaire, vous appliquez effectivement les principes du recyclage et du circuit court !

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