Intervention de Jimmy Pahun

Séance en hémicycle du lundi 9 décembre 2019 à 16h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJimmy Pahun :

La transition écologique, dans laquelle nous sommes engagés depuis plusieurs années, entend révolutionner nos modes de consommation et de production – le green deal européen en est un autre pilier. Afin d'y parvenir efficacement, il est indispensable d'associer l'ensemble de nos concitoyens. Chacun doit comprendre pourquoi et comment nos modes de vie doivent évoluer. Cette compréhension est nécessaire si nous souhaitons que chaque Français puisse se projeter dans cette nouvelle société. Car la transition énergétique que nous appelons de nos voeux va engendrer un bouleversement important des activités, des emplois et des compétences.

L'acceptation des changements passera par une meilleure information de nos concitoyens, la présentation concrète des solutions possibles et la compensation des difficultés liées à la transition. Si nos concitoyens sont conscients de la nécessité de protéger notre planète, ils demandent un accompagnement plus fort dans la transition vers une société décarbonée. Cet accompagnement doit être dirigé vers les territoires, les entreprises et les salariés directement ou indirectement touchés par ces nouveaux modes de production et de consommation. Les contrats de transition écologique constituent, à ce titre, une démarche nécessaire pour accompagner et soutenir la transformation écologique des territoires.

Les collectivités territoriales sont ainsi appelées à jouer un rôle de tout premier plan dans la transition écologique. S'agissant de l'économie circulaire, thème qui nous occupera largement ces prochains jours, les collectivités doivent être au coeur du processus de valorisation de nos ressources au travers d'initiatives locales : je pense notamment à l'écologie industrielle et territoriale – EIT.

Le concept d'écologie industrielle et territoriale repose ainsi sur une évaluation et un échange des ressources à l'échelle d'un territoire. Plus concrètement, le déchet de l'un peut devenir la ressource de l'autre. Ainsi, la chaleur produite par une usine peut alimenter sa voisine ; les palettes de bois jetées par une entreprise peuvent servir à une autre. L'EIT se traduit donc par une diminution du gaspillage tout en représentant un vecteur d'attractivité économique des territoires, donc d'emploi local et non délocalisable.

Parce que nous sommes convaincus de la très grande utilité de ces démarches, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés a fait adopter en commission un amendement qui confie aux régions le soin de les accompagner.

Je souhaiterais d'ailleurs valoriser ici l'excellent travail mené par les acteurs de terrain et de nombreuses collectivités locales, qui sont à l'avant-garde dans le domaine de la gestion des déchets et, plus largement, dans l'application des principes de l'économie circulaire. Je pense, par exemple, à l'agglomération de Lorient en ce qui concerne la collecte séparée des biodéchets. Je pense aussi à toutes celles qui ont mis en place la redevance incitative pour l'enlèvement des ordures ménagères, comme la communauté de communes Blavet Bellevue Océan – CCBBO. Lorient et la CCBBO mènent des démarches d'écologie industrielle et territoriale, dont l'exemple le plus abouti reste toutefois sans conteste Dunkerque.

L'accompagnement que j'ai évoqué à l'instant est donc le maître mot d'une transition réussie. Si la transition vers une économie circulaire doit être entreprise avec sincérité et résolution, elle ne peut pas, raisonnablement, faire l'impasse sur le principe de réalité. Nous devons nous fixer des objectifs ambitieux mais réalistes au regard de la préservation de la compétitivité de nos entreprises et de l'emploi national. Je prendrai l'exemple de la filière française du papier : le groupe MODEM et apparentés ne peut soutenir des propositions qui, par leur immédiateté et leur brutalité, fragiliseraient un secteur tout entier et donc ses emplois et qui, par ailleurs, favoriseraient d'autres usages et d'autres secteurs moins responsables.

C'est la raison pour laquelle nous défendrons plusieurs amendements visant à ne pas compromettre la filière, ce qui ne manquerait pas d'arriver si on supprimait directement l'utilisation d'huiles minérales ou si on valorisait uniquement les papiers certifiés FSC – Forest Stewardship Council. Les interdictions prévues par le projet de loi sont en effet inapplicables, car il n'existe aucune autre solution pour les papiers utilisés par la presse assurant un bon désencrage et donc un recyclage de qualité.

Dans le cas des papiers utilisés pour les catalogues produits à grand tirage, une solution est envisageable mais il en résulterait une surcharge de 5 % du coût d'impression. Une autre solution existe, celle de l'huile blanche, mais avec un surcoût de 30 %, qui entraînerait des conséquences économiques difficilement supportables par la filière graphique. La position du groupe MODEM sera donc claire : aucune interdiction sans solution ; à chaque interdiction, une solution.

Nous continuerons donc de soutenir la réduction de la production de plastiques à usage unique. Ils sont toutefois utiles dans certains secteurs d'activité – je pense notamment au secteur de la santé, dans lequel il est indispensable de produire des emballages stériles pour lesquels il n'existe pas de substitut.

Nous sommes en faveur du plastique recyclé, parfaitement intégré aux cycles de traitement et de recyclage. La mise en décharge des plastiques doit donc être progressivement abandonnée au profit du recyclage de ces matières.

Nous soutiendrons également une meilleure information du consommateur, premier levier d'accompagnement des citoyens. Le titre 1er du projet de loi est, à ce titre, particulièrement important. Je tiens, sur ce point, à me réjouir de l'adoption en commission de nos amendements interdisant les mentions « biodégradable » et « respectueux de l'environnement » sur un produit ou un emballage. Ces termes induisent les consommateurs en erreur, en laissant penser que ces produits n'affecteront pas les milieux naturels s'ils sont jetés dans la nature.

J'en profite également pour saluer l'adoption de notre amendement visant à préciser le pourcentage de matière recyclée incorporée dans les produits ou les emballages : la présence de ce pourcentage fiabilisera l'information transmise au consommateur et sera de nature à orienter son choix vers des produits plus vertueux.

Nous défendrons aussi la lutte contre le gaspillage alimentaire, à condition qu'elle soit organisée en concertation avec les professionnels. Nous comprenons la nécessité de donner les denrées invendues. Toutefois, les petits commerçants ne disposent pas forcément des moyens logistiques nécessaires à la réalisation de cette obligation. Il convient de les aider.

S'agissant de la consigne pour recyclage du plastique, nous proposerons un amendement reprenant les modalités annoncées par le Président de la République et le Premier ministre à l'issue du congrès des maires. Nous défendrons des amendements visant à modifier la méthode de calcul prévue dans la loi Grenelle, afin de prendre en compte les coûts moyens de collecte et de traitement assumés par les collectivités, de manière à se rapprocher de leurs frais réels de fonctionnement.

Concernant les autres dispositions du texte, je salue, au nom du groupe MODEM et apparentés, l'extension et le renforcement du principe pollueur-payeur. Le projet de loi propose ainsi la création de nouvelles filières REP, afin que les producteurs, industriels et metteurs en marché prennent en charge leurs déchets. Il crée aussi de nouveaux instruments de contrôle et de sanction. Un malus sera notamment appliqué aux produits qui ne sont pas recyclables : de quoi fortement inciter les producteurs à se tourner vers des procédés plus vertueux.

Grâce à l'adoption de notre amendement, ce bonus-malus concernera également les ressources renouvelables utilisées dans les produits, afin de limiter l'impact négatif qui peut naître de l'emploi de ressources végétales ou forestières lorsqu'elles ne sont pas gérées durablement.

À l'instar de la consigne, je tiens par ailleurs à appeler votre attention sur l'importance de préserver les filières qui réussissent dans nos territoires. C'est le cas de la filière ADIVALOR – Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles. Je pense également au secteur de la pêche : nous défendrons un amendement visant à nous assurer que ladite filière REP continuera de fonctionner dans un cadre de filière REP sous voie contractuelle.

Je tiens par ailleurs, au nom de mon groupe, à soutenir les associations et entreprises de l'économie sociale et solidaire. Nous sommes particulièrement attachés aux actions quotidiennes qu'elles entreprennent sur le territoire : l'économie circulaire et l'économie sociale et solidaire vont de pair. Les ressourceries et les recycleries sont formidables pour créer de la cohésion sociale autour du partage et du réemploi. Ce sont des activités et des valeurs à préserver.

Enfin, le marin que je suis ne peut s'empêcher d'évoquer les océans : 10 % de nos poubelles y finissent. Le voilier Tara, qui rentre de six mois de mission, nous met en garde contre les microplastiques et les mégots. Les solutions se trouvent à terre. La vie est arrivée il y a 3,4 milliards d'années. Les ressources naturelles, abondantes au début de l'ère industrielle, étaient, nous le croyions alors, inépuisables. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il nous faut réconcilier la technosphère que nous avons créée avec la biosphère qui nous a créés.

Voilà, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel le groupe MODEM et apparentés aborde ces deux semaines d'examen. En préambule de nos débats en commission, j'avais formulé le souhait que nous soyons tous à la hauteur de ces enjeux. C'est avec le même enthousiasme que les députés du groupe MODEM et apparentés aborderont la discussion en séance publique.

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