Intervention de Gérard Collomb

Réunion du lundi 30 octobre 2017 à 16h20
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - affaires étrangères

Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur :

Le projet de loi que nous vous présenterons, monsieur Barrot, vise précisément à réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Le Président de la République a évoqué un délai de six mois, afin d'apporter une réponse aussi rapidement que possible à celles et ceux qui viennent demander l'asile en France. Dans la situation actuelle, en effet, les délais sont exceptionnellement longs, en raison des voies de recours notamment ; de ce fait, certains demandeurs d'asile restent plusieurs années en France et y ont des enfants, ce qui complique beaucoup la possibilité de les éloigner du territoire. En six mois, nous devons pouvoir déterminer qui sont les réfugiés et qui sont les migrants économiques provenant de pays sûrs, dont les problèmes doivent être résolus par le développement de leurs pays. L'Union européenne prend aujourd'hui cette question en main. Nous avons ouvert de nouveaux centres d'accueil et d'orientation (CAO) dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, qui nous permettront, tout en accueillant les demandeurs, de déterminer assez vite qui peut bénéficier du droit d'asile et qui ne le peut pas, afin de traiter les problèmes dans les meilleurs délais.

Vous le savez, notre système d'asile est devenu un empilement extraordinaire de dispositifs, depuis les CADA et les HUDA jusqu'aux CAO et aux programmes d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA), avec des modes de financement différents. Nous avons donc empilé les structures au fur et à mesure des problèmes : les CAO, par exemple, ont été établis en urgence afin de créer massivement des centres en province suite au démantèlement de la « jungle » de Calais. De même, le marché des PRAHDA passés l'an dernier avec Adoma a permis de racheter un certain nombre d'hôtels Formule 1 pour les transformer en centres d'hébergement de demandeurs d'asile ; ce n'est pas ainsi que l'on réglera les problèmes. Nous devons nous donner l'ambition de les résoudre de manière approfondie plutôt que de superposer les mesures année après année. Le nombre de places de demandeurs d'asile a été multiplié par 2,5 ces dernières années : nous pourrions continuer ainsi à l'infini.

Le problème de l'inconditionnalité se posera. Je vous répondrai en toute transparence : nous aurons une discussion assez difficile avec les associations qui s'occupent de l'hébergement d'urgence. À examiner qui occupe les places, on constate en effet que beaucoup sont des déboutés du droit d'asile. Selon les associations, il ne leur appartient pas de régler ce problème et je me comprends, mais le Gouvernement et le ministère de l'intérieur, eux, le doivent. Nous devrons donc leur expliquer qu'il n'est pas possible que des personnes sorties du système national de l'asile puissent bénéficier de nouveau de l'hébergement d'urgence à titre permanent. L'inconditionnalité porte sur une situation immédiate, et non sur une situation se substituant aux dispositions prévues dans le cadre du droit d'asile.

Le problème qui se pose à Mayotte, qu'abordera la loi sur l'outre-mer visant à adapter le droit national aux différents territoires, tient à la difficulté d'appliquer le contrat d'intégration républicaine (CIR) parce que 60 % des personnes concernées ne parlent pas français. C'est pourquoi nous en avons reporté l'entrée en vigueur d'un an dans ce territoire ; nous examinerons cette question avec la ministre des outre-mer.

L'article 57 du projet de loi de finances réduit à un mois, pour les déboutés, le délai au terme duquel intervient la cessation du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Les délais actuels ont plutôt tendance à encourager les déboutés à rester dans les lieux d'hébergement où ils se trouvent. Nous réaliserons grâce à cette mesure une économie de 30 millions d'euros, somme que nous pourrions réaffecter à la solution de problèmes d'intégration en prenant des mesures pour la lecture, l'insertion sociale et professionnelle ou encore le logement.

Mme Jacquier-Laforge a rappelé que la France est au troisième rang européen pour le nombre de demandes d'asile et a souligné à raison qu'il faut tout à la fois garantir le droit d'asile, qui est un droit imprescriptible pour tous les réfugiés en provenance de théâtres de guerre ou pour des raisons politiques – raison pour laquelle le Gouvernement s'est engagé auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à accueillir 10 000 réfugiés remplissant les critères relatifs au statut international de réfugié – mais aussi maîtriser les flux de migrants économiques. Encore une fois, nous souhaitons travailler avec les pays d'émigration, en particulier le Niger, pour que la ville d'Agadez, qui était le point de départ de la plupart des flux migratoires, devienne un verrou mieux sécurisé afin d'empêcher des départs qui, pour beaucoup, trouvaient ces dernières années une issue fatale dans le désert ou dans la Méditerranée.

Quoi qu'il en soit, nous allons transformer plusieurs dispositifs en centres d'accueil et d'examen des situations administratives (CAES) : quatre ont ouvert dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, un autre à Cergy-Pontoise. Nous voulons y faire à la fois de l'accueil et de l'orientation afin de déterminer si les intéressés relèvent ou non du droit d'asile.

C'est pour fluidifier les processus que nous consacrons des moyens à l'OFII et à l'OFPRA. Nous ajoutons par ailleurs 150 postes aux effectifs des préfectures, ce qui permettra de désengorger les services destinés aux étrangers, en particulier les guichets uniques des demandeurs d'asile (GUDA), car le temps d'attente entre la prise en charge par les associations et le traitement des dossiers au GUDA est infini, ce qui ralentit les procédures.

Pour mieux prendre en compte les territoires les plus éloignés, il convient que chaque préfecture se dote d'un dispositif minimal fonctionnel. Cela étant, l'arrivée de migrants se concentre davantage dans les grandes villes que dans les zones moins urbanisées. C'est d'ailleurs l'un des problèmes que nous connaissons à la frontière de Vintimille : les migrants qui parviennent à entrer en France se rendent à la préfecture pour demander le titre auquel ils pourraient prétendre lors de leur future visite au GUDA, mais ils ne font jamais cette visite ! Dans 80 % voire 90 % des cas, en effet, les rendez-vous ne sont pas honorés, les intéressés étant attirés par Paris et le centre de la porte de la Chapelle, qui concentre de ce fait une immigration considérable dans des conditions terribles. Mon sentiment profond est le suivant : il faut revoir ce dispositif qui ne fonctionne pas et qui crée un appel d'air en direction de la région parisienne, l'embolie récurrente du processus nous obligeant à répartir les personnes concernées dans les centres d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM) de la petite couronne ou dans les CAO des régions.

M. Dumont évoque un problème particulier. Si nous ne déployions pas les forces que nous déployons aujourd'hui, la jungle se reconstituerait à coup sûr à Calais, au point d'accueillir très vite sept mille, voire dix mille personnes, ce qui serait insupportable. C'est pourquoi nous avons refusé que se reconstitue une jungle à Grande-Synthe comme à Calais, au prix d'un travail quotidien. Dans ces quelques cas que sont les Alpes-Maritimes, Calais et la région parisienne, je demande un rapport hebdomadaire aux préfets afin de suivre le processus en temps réel. Je suis donc conscient des difficultés.

Les autorités britanniques ont accepté de financer un certain nombre d'infrastructures à hauteur de 150 millions d'euros, ce qui n'est pas complètement négligeable. Je dois rencontrer mon homologue britannique le 16 novembre, et nous évoquerons alors les sujets que vous soulevez, monsieur le député, car ils sont importants.

Il est vrai que le Brexit changera quelque peu la donne, puisque votre région deviendra une frontière extérieure de l'Union européenne. Nous pourrons ainsi déployer une force de Frontex, ce qui réorientera la discussion avec nos amis britanniques qui s'aperçoivent désormais que le Brexit n'est pas aussi confortable qu'ils ne l'avaient cru. Je pense à notre propre frontière, mais aussi à leur frontière avec l'Irlande, où les difficultés seront nombreuses.

Vous l'avez dit : la pauvreté dans un certain nombre de pays est un facteur d'émigration et nous devons parvenir à développer l'Afrique et à faire face aux problèmes de réchauffement climatique – car la désertification des terres exerce une pression sur les zones moins arides où naissent des conflits locaux qui exportent à leur tour des difficultés dans l'Europe entière. Vous parlez de fragilité : croyez-moi, je suis conscient de toutes les fragilités qui existent, et nous menons une lutte quotidienne sur tous les terrains, y compris le terrain diplomatique.

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