Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 9h00
Prime pour le climat et lutte contre la précarité énergétique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Le 18 juin 2019 nous avons, à la quasi-unanimité, fait le choix d'inscrire l'urgence écologique et climatique dans notre droit. Alors que les études réalisées par le GIEC – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – montrent que, même en accomplissant des efforts drastiques, il sera très difficile de respecter les objectifs d'une hausse des températures limitée à 1,5° C à l'horizon 2030, l'enjeu d'une accélération majeure de la transition écologique est plus important que jamais. Nul n'en disconviendra. Toute la politique énergétique de notre pays doit donc être fixée à l'aune de cet objectif.

C'est dans cette logique que nous avons collectivement renforcé la programmation pluriannuelle de l'énergie pour préciser les objectifs que nous nous fixons d'ici au milieu du siècle en matière de réduction des gaz à effet de serre, de diversification et de verdissement des modes de production d'énergie ou encore de décarbonation de nos industries, des transports et du secteur du bâtiment.

À cet égard, le logement, qui représente le quart de la consommation énergétique nationale, nous apparaît comme le secteur prioritaire pour amplifier la dynamique de transition énergétique de notre pays. En juillet 2017, le Premier ministre, dans son discours de politique générale, et Nicolas Hulot, dans le cadre du plan climat, prévoyaient de faire disparaître en dix ans les passoires énergétiques. Cet engagement correspond à la réalisation de 700 000 rénovations par an.

D'après l'étude réalisée en 2017 par le collectif « Rénovons ! », la rénovation des seules passoires énergétiques, qui représentent 30 % des logements, permettrait de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 6,13 millions de tonnes équivalent CO2 chaque année, soit 12,5 % des émissions du secteur du logement, et celles de dioxyde de soufre de près de 10 100 tonnes, soit une baisse de 48 % des émissions du secteur.

C'est dire si la rénovation énergétique du parc de logements représente un enjeu majeur, alors que le taux d'effort énergétique des ménages, c'est-à-dire la part de la facture énergétique dans leur budget, est en constante augmentation depuis vingt ans. Ce taux est en moyenne de 5,6 % aujourd'hui.

En 2017, les Français ont consacré 1 683 euros en moyenne au chauffage de leur logement, moyenne qui atteint 2 230 euros pour les ménages se chauffant au fioul. Alors que les ménages les plus modestes ont tendance à occuper les logements les moins efficients sur le plan thermique, ils sont nombreux à s'imposer des restrictions de consommation, à mal ou à peu se chauffer, en dessous des seuils de confort, ou à rogner sur certaines autres dépenses vitales.

C'est fort de ces constats, que je crois partagés, que le groupe Socialistes et apparentés a décidé de présenter, lors de cette journée qui lui est réservée, une proposition de loi visant à la fois à engager un changement de paradigme en matière de rénovation énergétique et à lutter contre la précarité énergétique. Dans la préparation de ce texte, nous n'avons pas cherché à repenser la trajectoire de rénovation du parc ou à en modifier l'ambition en fonction des publications scientifiques les plus récentes. Nous sommes partis, strictement, de ce que nous avions voté dans la loi énergie et climat et de ce que prévoit la programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est-à-dire la neutralité carbone du parc de logements à l'horizon 2050.

La proposition de loi que nous présentons vise donc à massifier la rénovation thermique des logements pour éliminer les passoires thermiques – autrement dit les logements de catégorie F et G – en dix ans, à sortir les plus modestes de nos concitoyens de la précarité énergétique et à atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050, conformément à ce que nous avons décidé collectivement. Ce que nous proposons, c'est de rehausser l'ambition, le rythme et la logique de l'action publique grâce à un plan de 300 milliards d'euros sur trente ans, concrétisé au travers d'un dispositif unique, universel et ambitieux.

Au rythme actuel, celui du projet de loi de finances pour 2020, l'objectif de la neutralité carbone ne sera atteint, au mieux, qu'en 2080 : c'est là un fait établi. Alors que la vingt-cinquième Conférence des parties, la COP25, se tient en ce moment même à Madrid, le calendrier climatique, je crois que nous pouvons tous en convenir, ne peut être différé de trente ans.

Nous proposons donc de créer une prime pour le climat qui, ouverte à tous les propriétaires, occupants ou bailleurs, préfinancerait des travaux énergétiques complets et performants, permettant de hisser le logement jusqu'aux meilleurs standards de performance énergétique, et ce grâce à un plafond de financement élevé. Cette prime serait constituée d'une part subventionnée et d'une autre, remboursable au moment de la vente ou de la succession. C'est une prime « zéro reste à charge » au moment des travaux.

Si nous voulons décrire ce dispositif, nous commencerons par dire qu'il est simple, en ce qu'il unifie les multiples autres qui existent aujourd'hui. Outre que cela rendrait les choses moins complexes et plus lisibles, le bénéficiaire serait accompagné de bout en bout dans sa démarche par l'ANAH – Agence nationale de l'habitat – , dont les moyens sont très substantiellement rehaussés.

La proposition de loi se veut à la fois incitative et contraignante. Incitative d'abord en ce que la prime prévue est fondante, appelée à diminuer avec le temps afin d'accélérer, chose nécessaire, l'investissement. Le dispositif est également ciblé sur les logements où l'on observe les plus grandes pertes énergétiques, à savoir les bâtiments classés F et G. Elle est contraignante ensuite car ceux qui n'ont pas réalisé les travaux seront contraints dans leur capacité à relouer ou à revendre leur bien, demeuré une passoire énergétique. Le dispositif est aussi écologiquement efficace : il permet, je l'ai dit, une rénovation complète et performante, d'une qualité élevée, qui permettra d'atteindre le niveau basse consommation.

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