Intervention de Bruno Millienne

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre la désertification médicale et prévention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Millienne :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui fait écho à celles que le M. le rapporteur a présentées ces deux dernières années dans le cadre de la journée réservée de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés. En premier lieu, monsieur Garot, je salue votre abnégation et votre volonté opiniâtre de lutter contre le phénomène de la désertification médicale. Cette volonté, nous la partageons tous et nous nous accorderons toujours sur l'impérieuse nécessité de permettre l'accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité, quel que soit leur lieu de résidence.

Nous le savons – les débats sur la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ont été l'occasion de le rappeler – , notre pays souffre de profondes et persistantes disparités territoriales en matière d'accès aux professionnels de santé. Les écarts de densité entre les départements, par exemple, sont de un à deux pour les médecins généralistes et de un à sept pour les infirmiers. Pour l'accès aux gynécologues et ophtalmologues libéraux, l'offre disponible dans les grands pôles urbains est sept à neuf fois supérieure à l'offre disponible dans les communes isolées. À cela s'ajoute l'inquiétant vieillissement de la profession : en 2016, plus d'un quart des médecins généralistes étaient âgés de 60 ans et plus, tandis que les moins de 40 ans ne représentaient qu'un cinquième des effectifs.

Nous nous rejoignons sur le constat et l'objectif à atteindre : il faut repeupler les déserts médicaux. Toutefois, comme les années précédentes, nous ne pouvons pas souscrire aux moyens proposés par le rapporteur pour y parvenir.

Le dispositif présenté à l'article 1er, qui a été supprimé par la commission des affaires sociales, nous apparaît contre-productif. Il opère en effet un contresens en ciblant les zones densément pourvues au lieu de s'intéresser au coeur du problème, à savoir les zones faiblement dotées. Conditionner l'installation d'un nouveau médecin libéral souhaitant être conventionné avec l'assurance maladie à la cessation d'activité d'un autre médecin libéral dans les zones correctement dotées serait contre-productif et coercitif. À l'heure où seulement 15 % des jeunes médecins font le choix de s'installer en libéral, ce dispositif risque de freiner encore davantage l'appétence pour l'exercice libéral.

C'est pourquoi, sur cette disposition, notre groupe restera fidèle à sa ligne de conduite en s'opposant à tout mécanisme de coercition touchant la liberté d'installation des médecins. Nous préférons miser sur les nombreuses avancées d'ordre incitatif contenues dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, promulguée en juillet dernier, ainsi que dans les derniers budgets de la sécurité sociale. Citons par exemple la suppression du numerus clausus, l'augmentation du nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles ou encore la refonte des aides à l'installation des jeunes médecins.

Pour ce qui est des autres mesures proposées dans le texte, nous comprenons la volonté d'associer les collectifs d'usagers à l'élaboration du projet de santé des CPTS. Il nous semble cependant que celles-ci ont déjà toute latitude pour le faire.

Nous rejoignons l'objectif présenté à l'article 3 : favoriser l'alimentation du DMP par les médecins généralistes. Toutefois, une telle obligation ne sera efficace que lorsque la campagne d'incitation à l'ouverture des DMP aura porté ses fruits. À ce propos, nous attendons les conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le dossier médical partagé et les données numériques de santé.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que la proposition de loi aborde la question de la prévention aussi bien à travers l'outil de la télémédecine que par le développement d'une politique intensive dans les territoires en difficulté. Il s'agit de pistes intéressantes, dont il convient d'explorer la faisabilité opérationnelle. Enfin, la question du plafonnement des dépassements d'honoraires en secteur 2 est également une idée intéressante. Cependant, nous nous interrogeons sur la pertinence du véhicule législatif puisque cette décision relève, en général, de la négociation conventionnelle.

En conclusion, monsieur le rapporteur, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra certaines dispositions de votre texte, tout en s'opposant fermement à celle visant à inscrire dans la loi un principe de coercition pour l'exercice de la médecine libérale.

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