Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Depuis quelques années, la RSE est encadrée juridiquement et les grandes entreprises ont l'obligation de procéder à un reporting extra-financier. Les labels RSE, qui ont proliféré depuis lors, sont peu ou mal contrôlés et ne permettent pas de rendre compte de la réalité des pratiques des entreprises. Ce sont surtout des outils de communication qui, de fait, servent principalement aux grandes entreprises à se donner une image vertueuse. Il faut mettre fin à ce flou et, pour cela, l'État doit fixer des règles. Tel est l'objet e principal de la proposition de loi, dont nous partageons les objectifs.

Aborder ce sujet est d'autant plus nécessaire que la France est en passe de perdre toute souveraineté en la matière, étant donné le rachat par des groupes américains de ses dernières agences de notation indépendantes.

Le présent texte s'inscrit dans le prolongement de la réforme de l'objet social de l'entreprise prévue par la loi PACTE et de la proposition de loi entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances, que vous avez présentée l'année dernière, monsieur le rapporteur.

Il est évident que les principales mesures de la loi PACTE, à savoir la modification de la définition de l'objet social de l'entreprise et la création d'entreprises à mission, ne permettent aucunement d'engager la bifurcation de notre économie, pourtant si nécessaire à l'heure de l'urgence sociale et écologique. Ce n'était d'ailleurs pas l'objectif de ces mesures, malgré les grands discours de M. Bruno Le Maire sur la réinvention du capitalisme. Le projet de loi PACTE visait tout simplement, avant tout, la croissance pour la croissance et ignorait l'enjeu écologique. Il avait également pour objectif la privatisation d'Aéroports de Paris et de la Française des jeux, ainsi que le désengagement total de l'État du capital d'Engie.

Mais revenons à la proposition de loi, qui vise à mettre en place un label public sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, à favoriser les entreprises vertueuses dans la commande publique et à réfléchir à une nouvelle comptabilité des entreprises, ne prenant pas seulement en compte les aspects financiers : elle est guidée par une bonne intention, et c'est pourquoi nous la soutiendrons.

Nous avons cependant des réserves, et des réserves importantes, sur le fait de donner des avantages fiscaux ou sociaux aux entreprises vertueuses. Le Gouvernement a réduit l'impôt sur les sociétés, et les niches fiscales sont déjà nombreuses. En outre, ce n'est pas parce que l'on est vertueux que l'on doit payer moins d'impôts. Pour conserver le caractère incitatif du dispositif, on devrait plutôt augmenter les impôts des entreprises non vertueuses.

De plus, la proposition de loi repose sur plusieurs illusions, selon nous.

La première est de penser qu'une information fiable des citoyens, grâce à un label, permettra de changer significativement l'économie française en la rendant plus écologique et plus sociale. Que changera véritablement un label public ?

La deuxième illusion est de croire que ce label public sera, pour les dirigeants de PME et d'entreprises de taille intermédiaire, notamment : « un moyen de rééquilibrer des rapports trop souvent léonins – y compris dans la mise en oeuvre des clauses sociétales – avec les grands donneurs d'ordres privés et publics ». Je ne vois pas en quoi un label public modifierait le rapport de force entre les donneurs d'ordre et leurs sous-traitants.

La troisième illusion consiste à penser qu'une légère incitation fiscale, sociale ou réputationnelle aurait un impact significatif sur les entreprises et l'économie françaises.

En résumé, nous ne pensons pas que la proposition de loi permettrait de changer significativement la donne, à moins de se méprendre sur la nature intrinsèque du capitalisme, sa concurrence implacable et sa quête insatiable de profit.

C'est plutôt par le rapport de force entre le capital et le travail, par un plus juste équilibre entre les deux et par la loi qui régule et sanctionne, que l'on pourra améliorer le sort des salariés et faire face à l'urgence écologique.

Pour changer vraiment les choses, il faudrait renforcer les droits des travailleurs, interdire les pratiques anti-écologiques, mieux répartir la valeur ajoutée entre travailleurs et actionnaires, donner plus de voix aux salariés, rompre avec le dogme de la concurrence libre et non faussée, et avec le dogme du libre-échange de l'Union Européenne. Enfin, il faudrait que l'État joue pleinement son rôle en engageant la planification écologique et la nationalisation de secteurs clés comme l'énergie et les transports, essentiels pour la transition écologique, dans lesquels la concurrence est très néfaste.

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