Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Certification publique des performances sociales et environnementales des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost :

Je suis très heureuse, monsieur Potier, de vous retrouver, quelques mois après l'adoption de la loi PACTE, pour débattre de la RSE. Nous avions alors largement évoqué le sujet, à l'occasion, en particulier, d'amendements que vous aviez déposés et que nous avions rejetés.

Mireille Delmas-Marty nous dit qu'« il faut se donner les moyens d'élargir le raisonnement juridique » – le raisonnement du législateur, pourrais-je dire ici – , « du concept au processus, du statique au dynamique, du modèle au mouvement ». Je suis parfaitement d'accord ; c'était d'ailleurs, je pense, l'ambition de la loi PACTE. Nous en avons absolument besoin. Puisqu'un texte sur la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises a été adopté il y a moins d'un an, laissons-lui le temps de suivre sa propre dynamique. Il contenait trois avancées majeures.

Premièrement, la modification du code civil n'est pas chose anodine puisqu'il n'y en avait pas eu depuis Napoléon, il y a deux cents ans. Elle visait à indiquer comment l'objet social de l'entreprise se traduit concrètement dans l'activité de celle-ci. Nous avons ainsi fait des impératifs sociaux et environnementaux des enjeux de la gestion de l'activité d'une entreprise.

Ensuite, nous avons permis aux sociétés qui le souhaitent de se doter d'une raison d'être, c'est-à-dire de principes qui guident la conduite de l'ensemble de son activité, de façon contractuelle, ce qui l'engage à l'endroit non seulement de ses salariés et de ses parties prenantes directes, mais aussi plus largement de la société.

Enfin, nous avons, suivant le modèle de la società benefit italienne, introduit en France le statut – et non le label – légal de société à mission, qui permet de traduire la raison d'être en mission opérationnelle assortie d'un objectif social ou objectif environnemental, et de lui donner une portée très concrète grâce à des systèmes d'évaluation externe et de contrôle, celui-ci étant certifié et approuvé par l'État. Les décrets concernés sont presque terminés et vont être promulgués.

Je sais que nous partageons les mêmes objectifs de fond. Néanmoins, s'agissant de la méthode, pourquoi cette proposition de loi alors que nous sommes encore dans la dynamique du concept juridique défini par la loi PACTE, que certaines entreprises ont adopté une raison d'être ou commencent à évoluer vers le statut de société à mission et vont vivre leurs premiers contrôles l'an prochain ? Voyons déjà si tout cela fonctionne.

Dans ce contexte, l'enjeu est la définition de la place de l'État : doit-il être un simple pourvoyeur de normes, à un rythme très soutenu – deux par an en matière de RSE, si la proposition de loi est adoptée – , et de normes, au demeurant quelque peu rigides puisque la définition des critères en matière de responsabilité sociale et environnementale deviendrait régalienne, mordant sur l'espace bien plus vaste de l'innovation dont sont capables les entreprises en la matière ?

En effet, si, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, les lois relatives à la RSE sont apparues dans les années 2000, la pratique existe depuis plus de cinquante ans dans les entreprises. Certaines grandes entreprises ont pu faire du washing, je l'entends, et si cela a plu aux médias, cela a beaucoup déplu à l'opinion, ce qui est bien normal. Mais combien de petites et moyennes entreprises sont déjà engagées dans une dynamique vertueuse, que nous devons accompagner et consolider ?

Devons-nous aussi sanctionner ? J'estime à titre tout à fait personnel que si nous, les 577 députés, sommes utiles pour voter des lois, une fois celles-ci adoptées, nous le sommes bien plus sur les territoires, pour accompagner les entreprises et les aider à mettre en oeuvre les outils légaux que nous avons conçus. Si chacun de nous le faisait s'agissant des dispositions prises il y a quelques mois, on pourrait bien davantage parler de dynamique entrepreneuriale vertueuse en France.

La proposition de loi promeut un label public en matière de RSE. À cet égard, je m'interroge sur une apparente confusion : ce label porte-t-il sur des critères relatifs à la seule RSE ou étendus aux performances extra-financières de l'entreprise ? S'agit-il de délivrer un label RSE dès lors que celle-ci produit une performance extra-financière ? Il me semble que ces deux aspects distincts ne doivent surtout pas être confondus : les performances extra-financières relèvent de logiques comptables, ce qui n'est pas du tout le cas de la responsabilité sociale et environnementale, irréductible à une simple conformité, au fait de cocher telle et telle case.

Oui, il faut aller plus loin en matière de performance extra-financière, mais la bonne échelle pour le faire est européenne ; nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant les articles.

Oui, il faut aller plus loin compte tenu de la forêt de labels qui existent déjà en matière de RSE. Voilà pourquoi, avec votre concours, monsieur le rapporteur, et à l'issue d'une longue discussion dans le cadre de la loi PACTE, nous avons adopté l'amendement qui a donné naissance à son article 174, lequel prévoit une mission dédiée à l'examen de l'ensemble des labels RSE existants en vue de leur rationalisation. Cet état des lieux inédit permet à l'État de donner une matrice indiquant ce qui est valable ou non en la matière, et à partir de laquelle il pourra définir une véritable politique publique d'homologation des labels et de ce qu'est une entreprise engagée.

En résumé, ne nous précipitons pas : puisque nous avons commencé, assumons la dynamique qui a été lancée et poursuivons-la jusqu'au bout. Le groupe La République en marche votera donc contre la proposition de loi.

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