Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Politiques publiques contre les moustiques aedes et les maladies vectorielles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Nous nous retrouvons cet après-midi pour discuter de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires sociales à votre initiative, madame la rapporteure, qui vise à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles.

Permettez que je commence mon propos en saluant l'engagement des collègues du groupe Socialistes et apparentés, qui, après avoir permis la création d'une commission d'enquête sur le scandale du chlordécone aux Antilles, s'attaquent aujourd'hui à un autre sujet prégnant pour nos territoires d'outre-mer, même si le problème de la propagation d'Aedes dépasse désormais les frontières ultramarines et s'avère nationale voire mondiale tant les dégâts s'étendent aux quatre coins du globe.

Il n'empêche que ce sont surtout nos territoires qui sont touchés, au point qu'il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique, tant cet insecte s'avère envahissant et résilient. Aussi je pense pouvoir parler au nom de l'ensemble des collègues ultramarins quand je vous remercie de remettre nos territoires au centre du débat public, eux qui en sont maintenus à la marge sous cette législature comme rarement auparavant.

Cette proposition tombe à pic puisqu'une épidémie de dengue sévit actuellement en Guadeloupe, avec près de 500 infections recensées depuis cet été. La Guyane est elle aussi en veille sanitaire, avec une trentaine de cas observés depuis le début de l'année. Le texte s'inscrit dans la continuité du travail commencé par notre groupe sur l'initiative de notre collègue Huguette Bello, qui, dès 2006 avait déposé une demande similaire. À l'époque une épidémie de chikungunya ravageait La Réunion, infectant 266 000 personnes, soit près d'un Réunionnais sur trois, et causant malheureusement 267 décès, comme notre collègue Ericka Bareigts l'a opportunément rappelé. Se propageant à Mayotte, la maladie a ressurgi par deux fois dans l'océan Indien, en 2009 puis en 2010, avant d'apparaître dans les territoires français d'Amérique fin 2013, avec 800 cas recensés à Saint-Barthélemy, un millier en Guyane, 4 000 à Saint-Martin, 55 000 à la Martinique et 70 000 en Guadeloupe.

À peine sortis de cet épisode, qui a touché une partie non négligeable de la population des DFA – les départements français d'Amérique – , ces derniers se sont retrouvés face à une épidémie du virus zika, transmis par le même moustique tigre. À la crise sanitaire s'est ajoutée une crise touristique, alors que le secteur était déjà particulièrement éprouvé, dans un contexte où a rapidement été établi un lien entre le virus et les risques de malformations foetales, alors que, contrairement à la dengue et au chikungunya, le soupçon d'un risque d'une transmission par voie sexuelle est très vite apparu. Or, avant d'arriver sur les côtes atlantiques, zika a eu le temps d'affecter 55 000 Français de Polynésie française, au moment même où les Antillo-Guyanais se débattaient encore avec le chikungunya.

En Guyane, nous gardons un souvenir très amer de la gestion de ces deux épidémies par les pouvoirs publics. En effet, face aux grandes difficultés rencontrées par les autorités sanitaires locales à éradiquer un moustique tigre de plus en plus robuste, le Gouvernement avait d'abord autorisé l'utilisation à titre expérimental d'un nouvel insecticide, le malathion, alors qu'à l'époque, ce puissant neurotoxique ne bénéficiait d'aucune autorisation de mise sur le marché dans l'Union européenne. Son utilisation exclusive sur le sol guyanais a soulevé de très nombreuses questions, qui se sont vite transformées en farouches critiques de la part de la population. J'ai moi-même interpellé le Gouvernement cinq fois en six mois sur le sujet, ce qui n'a pas empêché les pulvérisations massives de ce biocide, jusqu'à ce qu'un rapport de l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – ne finisse par le classer parmi les substances potentiellement cancérigènes, mettant ainsi un terme brutal à sa carrière aussi courte que mouvementée.

S'agissant du moustique tigre, les actions déjà engagées doivent être poursuivies. J'ai évoqué l'initiative de notre collègue Huguette Bello, qui avait débouché sur une mission parlementaire, dont le rapport préconisait notamment de créer un centre de veille et de recherche sur les maladies émergentes et un réseau de veille, qui a été mis en place avec plus ou moins d'efficacité. Il prévoyait également un soutien de l'effort de recherche sur les maladies vectorielles. Il serait peut-être intéressant d'avoir un état des lieux en la matière.

Vous l'aurez compris, les députés du groupe GDR soutiennent cette initiative, dont les conclusions doivent conduire à une profonde remise en cause de l'action publique en matière de lutte contre les maladies vectorielles transmises par le moustique Aedes, pour que toutes ces épidémies ne soient plus qu'un mauvais souvenir et pour qu'enfin nous puissions mettre en oeuvre des politiques publiques qui protègent vraiment la santé de nos populations dans les zones sensibles, au premier rang desquelles celles des territoires d'outre-mer.

Je terminerai en exprimant un regret. Au moment où Ericka Bareigts a pris la parole, j'ai observé un mouvement de foule de l'intérieur vers l'extérieur de cet hémicycle. Je voudrais rappeler que le moustique n'a pas besoin de visa ni de billet d'avion pour voyager. Il est donc important que les collègues de France hexagonale comprennent qu'ils ne sont pas à l'abri et qu'il faudrait un véritable élan de solidarité pour que des politiques publiques se mettent en place, aussi bien en faveur des outre-mer que de la France hexagonale. Je crois qu'il fallait le souligner – c'est mieux quand c'est dit.

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