Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du jeudi 19 décembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Au terme de l'examen de ces 11 228 amendements en commission et en séance, je voudrais dire deux ou trois choses.

Je confirme, d'abord, ce que j'avais dit au début de l'examen du projet de loi de finances, monsieur le ministre : je suis persuadé, au fond, que c'est le budget que vous n'auriez pas aimé présenter ; vous n'auriez pas aimé le faire il y a deux ans, et probablement pas l'année dernière non plus.

La marque de fabrique de ce budget, c'est la baisse des impôts, ce qui peut sembler plutôt positif : vous réduisez les impôts des ménages que sont la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu. Mais vous le faites sans que cette réduction des recettes publiques soit compensée, ce qui n'est probablement pas la bonne manière d'atteindre vos objectifs.

Le déficit, la dette, les dépenses – des notions bien connues des finances publiques françaises – sont trois volets qui, dans ce budget, n'ont pas réellement connu les progrès que l'on aurait pu accomplir, même dans une situation sociale compliquée comme la nôtre.

Quand on se compare aux autres, il n'y a pas lieu d'être rassuré, cette fois : les autres pays européens ont réduit leurs déficits plus rapidement que nous. Le ministre Le Maire et vous, vous nous avez très souvent dit que notre déficit n'a jamais été aussi faible. Bien sûr, et c'est tant mieux ! Mais ce qui compte, c'est la dérivée du déficit, son évolution par rapport à l'année dernière. Or sa réduction est extrêmement faible dans ce budget, de l'ordre de 0,1 % ; c'est, au fond, la plus faible réduction du déficit public français depuis bien longtemps.

Les efforts, donc, ne sont pas là. Il ne s'agit pas seulement de savoir si nous accomplissons de grands efforts structurels, ni de regarder systématiquement ce que dit la Cour des comptes, même si elle s'exprime avec beaucoup de compétence. Il ne s'agit pas simplement d'une vision comptable des choses : l'évolution de notre déficit engage la souveraineté de notre pays. Je sais que vous en êtes persuadé et que le Gouvernement ne peut qu'en être persuadé lui aussi. Pourtant, la priorité que vous auriez dû donner au rétablissement des finances publiques, avant de réduire aussi fortement les impôts, est absente de ce projet de loi de finances. Elle a probablement existé en début de mandat, mais elle n'existe plus.

Cela vaut aussi pour les débats sur les retraites, qui ont parfois pris un tour assez étonnant : vous avez tenté de faire évoluer certains sujets mais en en laissant toujours d'autres dans l'ombre, c'est-à-dire en ne réglant jamais les problèmes complètement. Sur le CITE – le crédit d'impôt pour la transition énergétique – , le débat a été assez étrange, de même que sur le PTZ – le prêt à taux zéro – , la fiscalité du carbone ou des sujets aussi différents que le mécénat ou le loto du patrimoine. Autant de points très différents par leurs objets et par leur ampleur, qui ne présentent pas le même caractère prioritaire, mais sur lesquels nous sommes restés au milieu du gué voire sur des positions tout à fait incompréhensibles.

Ce PLF se caractérisant d'abord par la réduction de la fiscalité, nous aurions pu avoir un vrai débat sur la fiscalité du XXIe siècle, mais il n'a pas eu lieu.

De la fiscalité verte, nous n'avons pas vraiment parlé. Vous n'avez, au fond, que procédé à quelques adaptations, qui mettent des professions en crise – je pense évidemment au gazole non routier ou à d'autres sujets de même nature – , sans jamais, en réalité, descendre dans le détail de ce que pourrait être une fiscalité verte. Vous avez abandonné l'idée d'une fiscalité carbone, au moins dans ce budget, suite à la crise dite des « gilets jaunes », sans chercher pour autant à réfléchir autrement à ce que doit être une fiscalité verte dans notre pays.

Rien non plus sur la fiscalité du numérique, à part le constat des atermoiements des États-Unis ou l'attente de grands progrès du côté de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – , à laquelle il faudrait emboîter le pas après ce que nous avons fait sur les GAFA. La fiscalité du numérique mérite un traitement plus approfondi, et le Gouvernement aurait pu dessiner les lignes de son évolution, quitte d'ailleurs à ne pas adopter un volet fiscal complet sur le sujet. Or ces lignes ont été totalement absentes, de même que pour la fiscalité verte.

Je voudrais terminer en témoignant du grand plaisir que j'ai eu à travailler avec Joël Giraud. Je ne dirais pas qu'il ait été pour moi un complice – le terme pourrait être mal interprété – , mais nous siégeons côte à côte et nous travaillons ensemble. Le rapporteur général et le président de la commission des finances forment un couple assez étrange – nous ne partons pas en vacances ensemble, ne vous inquiétez pas, il n'y aura pas de photos dans Paris Match – ,

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