Intervention de Brune Poirson

Séance en hémicycle du jeudi 19 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Article 10

Brune Poirson, secrétaire d'état auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire :

Parce qu'il est plus commode de nous accuser de renoncer ou de céder à la facilité, certains ont voulu faire croire que nous sortirions des plastiques jetables en 2039. Il n'en est rien : nous défendons une méthode, un projet pour sortir de la société de consommation actuelle. Nous avons élaboré un véritable plan de sortie des plastiques jetables, auquel les ONG agissant dans le domaine de l'environnement, les associations de consommateurs, les fabricants et les collectivités seront invités à prendre pleinement part d'ici quelques semaines.

Je le répète, compte tenu de la hauteur de la marche à franchir, c'est une première. Pas moins de 100 milliards de produits en plastique à usage unique sont commercialisés chaque année en France.

L'objectif est de rompre avec le tout-jetable, avec ces 100 milliards de produits jetables qui ne restent que quelques secondes dans nos mains avant d'être jetés à la poubelle, puis d'être brûlés ou, pour une grande partie d'entre eux, d'être envoyés au fond d'un trou. Ce que nous voulons, c'est changer en profondeur notre manière de distribuer les boissons, la nourriture, les produits cosmétiques, les produits d'hygiène, mais aussi de transporter ces produits, qu'il s'agisse encore de nos tubes de crèmes, de nos plaquettes de beurre, de nos sachets de salade, de nos tubes de rouge à lèvres, de nos bouteilles de shampooing, ou encore de nos bidons de lessive. Je ne dresse pas une liste complète, mais vous l'aurez compris : le plastique à usage unique, c'est fini ! Il convient de se recentrer sur les plastiques à haute valeur ajoutée.

Pour vous donner un ordre de grandeur de ce que représentent nos objectifs, je prendrai l'exemple de la réduction de 50 % du nombre de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché d'ici à 2030 : cet objectif signifie la suppression de sept milliards et demi de bouteilles chaque année. Les seules petites bouteilles de moins de cinquante centilitres ne représentent, elles, que 17 % du total : nous allons donc bien au-delà de ce que proposaient certains amendements qui ont été déposés, et nous devrons encore renforcer notre action.

Nous le ferons dans le cadre du plan quinquennal, dont l'objectif sera de nous engager dans la transition vers le réemploi. Je le répète, nous ne voulons pas piéger les Français, tout comme nous ne voulons pas d'une transition qui, en étant brutale, les laisserait sur le bord de la route. Certes, la date de 2040 peut paraître lointaine à certains, mais en fonctionnant par plans de cinq années et avec méthode, nous obtiendrons des avancées très concrètes. Nous les constaterons à court terme dans les investissements des industriels, car ces derniers savent qu'ils ne pourront désormais plus se contenter d'adapter le système à la marge, une transformation en profondeur étant nécessaire.

Certains m'ont dit que c'est parce que nous ne supprimions pas tous les plastiques assez rapidement que des solutions plus durables ne pouvaient émerger. Or même si nous supprimions tous les plastiques d'un seul coup, les autres choix resteraient trop coûteux et trop complexes pour que nos concitoyens puissent y accéder. Les Français nous l'ont dit : ils ne veulent plus être piégés. Nous souhaitons transformer nos modes de consommation sans les piéger, en évitant précisément ce que nous avons connu avec la taxe carbone, laquelle a été instaurée sans que l'offre de transports en commun et de voitures électriques à bas coût ou abordables soit suffisante pour concrétiser cette transition.

C'est pourquoi nous prévoyons un plan quinquennal : pour rendre possible l'émergence de solutions de remplacement et leur permettre d'être développées à grande échelle et d'être abordables pour chacun. Je reconnais que ce fonctionnement est plus exigeant que de faire des annonces politiques, voire politiciennes. J'ai conscience d'hériter parfois de projets de loi dont il faut acter le renoncement, car certains responsables politiques précédents ont fixé des objectifs suffisamment proches dans le temps pour en retirer des bénéfices politiques, mais également suffisamment éloignés pour ne pas avoir à endosser la responsabilité de leur échec étant donné qu'ils ne seront plus en fonctions au moment où ces objectifs arriveront à échéance sans avoir été atteints. J'appelle cela du cynisme. Je le refuse pour ma part et présume que vous aussi, mesdames et messieurs les députés, car à force de cynisme nos concitoyens ne nous croient plus : cela abîme la démocratie, et je préfère un discours de vérité à un discours de démagogie verte.

Nous en avons débattu, vous l'avez voté : nous supprimons résolument toute une liste de plastiques superflus à usage unique et souhaitons nous fixer des objectifs allant beaucoup plus loin. Nous le faisons avec méthode, car nous croyons à la transition écologique et que nous avons pour lourde responsabilité de la concrétiser en prenant nos concitoyens au sérieux et en nous assurant que nous ne les piégeons pas.

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