Intervention de Frédéric Poitou

Réunion du jeudi 21 novembre 2019 à 10h10
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Frédéric Poitou, expert judiciaire européen :

Je suis inscrit et assermenté dans trois pays : en France, en Belgique et au Luxembourg. Je suis généralement désigné sur des dossiers de pollution marine, des sols mais aussi atmosphérique et d'accidents industriels. J'interviens ici en tant qu'expert de partie, pour les parties civiles qui se sont constituées et qui sont défendues par le cabinet Huglo Lepage. Il se trouve aussi que j'habite à Aix-en-Provence, mais que je suis né à Rouen. Je suis né dans une banlieue « compliquée » qui est Petit-Couronne, particulièrement exposée à ces risques-là. Mon papa travaillait chez Shell. J'ai donc une culture du risque industriel et j'ai fait toutes mes études de chimie dans cette filière. J'habite maintenant à côté d'une autre usine, celle de Berre à côté d'Aix-en-Provence, qui est elle aussi exposée. Il m'avait été opposé dans une émission de télévision que je ne connaissais pas bien le site. Je crois que je le connais plutôt bien.

Pour répondre à M. le rapporteur qui indique que la composition de ce genre d'incendie ne serait pas très bien connue, ce n'est pas tout à fait vrai. L'INERIS a fait un certain nombre de modélisations, d'analyses, et nous connaissons plutôt bien la constitution globale de telles fumées. Cela dépend aussi de la composition de ce qui a brûlé, mais globalement, nous le savons, d'autant que cela a été énormément étudié dans le cadre des fumées issues des incinérateurs.

Ensuite, vous avez utilisé le terme de communication – de crise ou non. Je pense que la population est en recherche d'informations, pas nécessairement de communication. La communication est la vectorisation d'une information pour la faire ressortir. L'information, c'est autre chose. C'est donner la réalité des chiffres. Je pense que cette différence est une notion importante à relever pour les mécanismes d'information de la population, à la suite de ce genre de risque.

Aussi, on a dit que les analyses qui avaient été conduites étaient hors de propos. C'est peut-être un peu fort. Disons qu'en tant que chimiste – et c'est mon métier – je pense qu'elles n'ont pas été conduites d'une manière qui est très simple à interpréter, parce que nous avons surtout fait des analyses surfaciques, en épongeant avec des lingettes les sols et les rebords de fenêtres pour que ce soit rapide. Les seules normes auxquelles nous pouvons nous rattacher, pour toutes les études qui sont menées, y compris au niveau de la Commission européenne, sont indiquées en volumique. C'est peut-être un détail pour vous, mais c'est très important parce que cela permet de comparer ce qui est comparable. Nous ne pouvons pas rapporter des mesures surfaciques à des volumes. C'est une autre chose.

Ensuite, il se trouve que j'ai participé à la définition de l'équipement que contient l'un des camions de pompiers, équipé pour les risques Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques (NRBC), des Marins pompiers de Marseille. C'est plus proche de chez moi. Ce camion – comme celui de Lyon – est équipé pour identifier environ 150 000 composés en très peu de temps. Celui de Marseille intervient sur le pourtour méditerranéen – Montpellier, Béziers, etc. – et il est régulièrement appelé à Béziers. C'est très récent, cela date du mois d'août. Le risque est à peu près identique à celui de Lubrizol, puisque c'était un feu de décharge. En l'espace de trois heures, ce camion se déplace de Marseille à Béziers, et en l'espace de deux heures supplémentaires, il identifie les toxiques. Cela permet de prendre les mesures nécessaires. Je ne suis pas sûr que le camion qui est intervenu à Rouen, qui vient du Bataillon de Nogent-le-Rotrou, soit équipé pour ce type d'analyses. Je ne suis pas sûr qu'il était prêt pour cela. J'ai quelques informations en ce sens. Il était plus proche de Rouen, puisqu'il est situé en région parisienne et il fallait deux heures pour le déplacer, mais je me demande si nous n'aurions pas mieux fait de déplacer l'un des deux camions compétents – celui de Lyon ou celui de Marseille. Le trajet aurait peut-être pris 12 heures, mais cela aurait permis d'avoir des informations précises sur ce que contenaient ces fumées, alors que le camion de Nogent-le-Rotrou qui était plus proche n'a pas permis de mesurer les bonnes informations.

Je vous rappelle que nous ne savons toujours pas aujourd'hui quelle est la nature des mauvaises odeurs que nous ressentons à Rouen. J'y suis allé dans le cadre de la commission d'enquête, dans le cadre d'une réunion d'expertise, et l'odeur est épouvantable sur le site. Nous ne savons toujours pas de quoi elle est constituée, alors qu'un bon laboratoire de chimie est capable de l'identifier.

Enfin, dans le cadre d'une réunion d'expertise qui a eu lieu sur le site de Lubrizol, je voulais faire part d'une petite expérience personnelle sur la manière dont nous avons été accueillis à Lubrizol. Nous avons reçu un bon accueil, mais avec des conditions de sécurité presque amusantes. Par erreur, je n'avais pas été inscrit sur les registres qui avaient été transmis par le préfet. Finalement, je suis rentré quand même très facilement. Nous avons visité le site et nous avons pu constater un comportement un peu léger des ouvriers. Ils font bien leur travail, ils ne font que ce qu'on leur demande, mais on a l'impression d'une espèce de légèreté générale.

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