Intervention de Alain Griset

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P) :

Nous sommes bien conscients que la réforme des retraites est un sujet complexe qui touche tous les Français. Depuis maintenant dix-huit mois, l'U2P a essayé d'y apporter sa contribution, forte de sa particularité, puisque notre organisation a la chance de regrouper près de 2,8 millions d'entreprises ayant à leur tête des artisans, des commerçants et des professionnels libéraux, chacune de ces catégories présentant des situations extrêmement diverses au regard de la retraite. Nous avons travaillé avec le haut-commissaire à la réforme des retraites et ses collaborateurs en vue de formuler des propositions.

Si beaucoup de nos adhérents, notamment professionnels libéraux, disposent de retraites assez conséquentes, celles que touchent les artisans sont bien souvent très modestes. Nombreux sont ceux qui ont des carrières très longues, ayant commencé à travailler à l'âge de 14 ou 15 ans ; leur situation constituait donc, pour nous, une priorité. Certains professionnels, tels les médecins, entrent, eux, dans la vie active beaucoup plus tard et effectuent donc des carrières très courtes.

Onze caisses différentes gèrent, au sein de régimes autonomes qui ne soulèvent pour l'instant pas de difficultés particulières, la retraite des professionnels libéraux, alors que les artisans commerçants n'en comptent plus qu'une. S'il fallait trouver un avantage au Régime social des indépendants (RSI), qui a occasionné beaucoup de difficultés, ce serait ce regroupement unitaire.

D'une façon générale, comme l'ont dit Geoffroy Roux de Bézieux et François Asselin, nous n'étions pas favorables à un régime universel allant jusqu'à 3 PASS, c'est-à-dire 120 000 euros, dans la mesure où seuls 350 000 Français dépassent ce seuil. Cela priverait les indépendants de toute initiative individuelle, à rebours de leur état d'esprit, même s'il est vrai que les revenus de beaucoup de nos adhérents, notamment les artisans, sont inférieurs à 40 000 euros, c'est-à-dire à 1 PASS.

Les cotisations des artisans constituent un sujet particulier, qui a d'ailleurs été repris par le haut-commissaire : d'une part, l'assiette ne leur est aujourd'hui pas du tout favorable ; d'autre part, si le taux devait passer de 24,75 % à 28,12 %, ce serait, pour nous, très problématique. Nous apprécions que le projet de loi envisage une assiette compatible avec la non-augmentation des cotisations compte tenu du relèvement du taux.

Toutefois, certains de nos adhérents qui exercent des professions libérales sont assujettis à des taux supérieurs à 28,12 %. Ils s'interrogent sur les conséquences potentielles de la baisse de leurs cotisations sur le niveau de leur pension, et demandent donc très clairement le maintien d'un régime complémentaire de branche, de façon que ce niveau reste inchangé.

Par ailleurs, nous sommes très intéressés par le minimum de retraite à 1 000 euros, tout en nous interrogeant sur les conditions d'accès à ce niveau de pension. Il se pourrait qu'elles soient votées ici, au Parlement, de telle sorte qu'elles ne seraient applicables qu'à peu de nos adhérents. Nous vous appelons donc à la vigilance sur ce point. Pour le dire de façon très claire, par rapport au minimum vieillesse de 900 euros – pas du tout injustifié – que toucheraient des gens qui auraient peu travaillé, il ne nous paraît pas injuste que ceux qui auraient effectué une carrière complète touchent 1 000 euros. Et encore cette différence nous paraît-elle insuffisante. Nous souhaiterions donc que le minimum de retraite soit porté à hauteur du SMIC, à des conditions d'accès compatibles avec la situation de nos entreprises.

S'agissant de la pénibilité, nous partageons naturellement le point de vue selon lequel la mesure ne doit pas en incomber à nos entreprises. Quand vous êtes artisan dans le bâtiment et que vous employez trois salariés, il vous est impossible de remplir des cases pour distinguer entre les heures pénibles effectuées dans la journée et les autres. C'est impossible à vivre et à mettre en oeuvre !

En revanche, nous ne nions pas que certains de nos adhérents méritent, du fait de leur métier, de pouvoir partir plus tôt. Nous sommes même demandeurs d'un élargissement de ce dispositif aux indépendants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Un artisan couvreur monte sur les toits de la même façon que son salarié, et il n'y a pas de raison pour qu'il ne soit pas traité de la même façon – à condition que la pénibilité ne soit pas mesurée par l'entreprise elle-même, car c'est totalement impossible

Il serait anormal que je n'évoque pas les réserves des caisses. Que ce soit chez les professionnels libéraux ou chez les artisans, elles ont été gérées comme il convient, c'est-à-dire avec prévoyance. Nous estimons donc tout à fait normal de réaffecter les réserves actuelles aux professions qui les ont constituées. Quant à la gouvernance, à ce stade, il nous a seulement été indiqué que les partenaires sociaux en seraient partie prenante, mais sans que soit bien précisée leur marge de manoeuvre.

Je suis naturellement d'accord avec mes homologues : il est inenvisageable, y compris pour les plus jeunes, de bâtir un régime qui ne soit pas équilibré en perspective. Nous l'indiquerons dans le cadre de la conférence de financement, un régime de retraite bâti pour de longues années implique de réfléchir à l'évolution du monde du travail. Aujourd'hui, les retraites sont assises sur le travail, mais les métiers évoluant, nous devrons sans doute nous interroger sur une évolution également du système dans les prochaines années.

Enfin, la valeur du point constitue un élément fondamental du système. Comme nos collègues, nous ne sommes pas favorables à une baisse des pensions. Le système de valorisation du point doit donc garantir à chacun son droit à la retraite et la possibilité de l'évaluer suffisamment tôt sans que les aléas liés à des décisions prises ici ou là puissent la remettre en cause.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.