Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 9h00
Gel des matchs de football le 5 mai — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Mardi 5 mai 1992. La soirée s'annonce belle. Bastia s'est parée de bleu et de blanc pour soutenir son équipe. Dans toute la France, les milliers de Corses, d'amateurs du football et de grands événements vibrent à l'unisson avec l'île de Beauté. Ce soir-là, Bastia accueille ce qui se fait de mieux dans la France du foot, voire dans toute l'Europe : l'Olympique de Marseille, mon club. C'est une affiche de gala, la demi-finale de la Coupe de France.

Le soleil décline, l'ambiance monte, cette ambiance électrique qui précède les grands matchs. Celui-ci commence dans quelques minutes : ça danse, ça chante, ça s'échauffe. Vingt heures vingt : tout à coup, une partie de la tribune temporaire, installée pour l'occasion, s'écroule, semant la mort et transformant, dans un immense fracas, cette communion festive en scène de tragédie.

Chacun de nous se souvient où il était en ce 5 mai 1992 à vingt heures vingt. Le drame de Furiani a été vécu en direct par des millions de téléspectateurs. Furiani, c'est l'incrédulité, l'inconcevable. Furiani, c'est l'image des joueurs qui se joignent à tous pour secourir les blessés, pour soutenir ceux qui viennent de perdre un proche. Il n'y a plus de stars du football ; il n'y a plus de simples spectateurs. Il y a l'humanité qui émerge au milieu des barres de fer, du béton, du plastique de cette tribune de la mort.

L'onde de choc de ce drame, nous en ressentons encore aujourd'hui les répliques. Et si nous proposons d'inscrire sa juste reconnaissance dans la loi, c'est que, vingt-huit ans après, la douleur ressentie ne se dissipe pas.

Nous n'avons pas la prétention de croire que l'adoption du texte estompera la peine de ceux qui ont perdu un proche, une soeur, un fils, un frère, un père, une mère. Elle ne retirera pas la douleur de ceux qui ont été marqués dans leur chair et qui souffrent encore aujourd'hui dans leur corps. Mais pour les 19 personnes décédées et les 2 357 blessés, pour celles et ceux qui se battent au sein du collectif des victimes de la catastrophe de Furiani du 5 mai 1992, nous nous devions de prendre l'initiative de cette proposition de loi qui marquera la reconnaissance du drame de Furiani par la communauté nationale.

Avec ce texte, nous tenons la promesse faite par le Président de la République François Mitterrand, qui avait souhaité qu'après la catastrophe, on ne rejoue plus au football un 5 mai.

Avec ce texte, plus modestement, nous sommes fidèles au serment que nous avons fait à Bastia, en mai dernier, avec les députés du groupe Libertés et territoires, en marge d'un match opposant l'équipe de France des parlementaires à une sélection composée d'élus insulaires.

D'aucuns s'interrogent : est-ce le rôle de la loi de traiter de contingences propres à l'organisation de compétitions sportives ? Je leur répondrai que le souvenir de la catastrophe de Furiani dépasse largement ce cadre : il dépasse le football, il dépasse la Corse, il nous concerne tous ; il doit donc nous réunir et nous rappeler le sens du vivre ensemble.

D'autres se demandent pourquoi commémorer la catastrophe de Furiani et non d'autres tragédies – je pense notamment au terrible accident des 24 Heures du Mans de 1955. Sans verser dans la concurrence mémorielle, rappelons que la catastrophe qui s'est déroulée le 5 mai 1992, c'est celle qui n'aurait jamais dû survenir : elle a résulté de la cupidité de quelques-uns, de la défaillance de l'État et d'un système censé nous protéger !

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