Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l'invalidation par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre dernier, de la taxe de 3 % sur les dividendes, votée en 2012 sous la précédente majorité socialiste, oblige l'État à rembourser environ 10 milliards d'euros aux grandes entreprises : un « scandale d'État » selon vous, monsieur le ministre, ou encore un « amateurisme juridique [qui] a conduit à faire le plus grand cadeau fiscal jamais fait aux entreprises de ce pays », selon Christophe Castaner, le porte-parole du Gouvernement.

Mais qui est donc responsable de cette facture de 10 milliards ? Vous avez demandé, monsieur le ministre, à l'Inspection générale des finances une enquête sur l'adoption de cette taxe en dépit des doutes sérieux qui pesaient sur sa légalité. Nous pouvons, toutefois, d'ores et déjà nous interroger.

Cette taxe a été mise en place par M. Moscovici, alors ministre de l'économie du gouvernement Ayrault. Qui était alors le directeur adjoint du cabinet de M. Moscovici ? Alexis Kohler, l'actuel secrétaire général de l'Élysée. Autre question : qui était alors la directrice de cabinet de Jérôme Cahuzac, ministre du budget ? Nulle autre qu'Amélie Verdier, l'actuelle directrice du budget, chargée aujourd'hui de trouver les fameux 10 milliards à rembourser. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Qui était alors le secrétaire général adjoint de l'Élysée chargé des questions économiques et fiscales ? Personne d'autre qu'Emmanuel Macron, devenu ensuite ministre de l'économie et que l'Union européenne n'a cessé de prévenir des dangers de cette taxe depuis 2015.

Alors, faire semblant aujourd'hui de tomber des nues, c'est tout simplement se moquer du monde ! Cela n'enlève rien, bien sûr, aux responsabilités de nos amis socialistes. C'est pourquoi, quand M. Valls rétorque : « L'idée de faire reposer sur le gouvernement d'avant, les gouvernements d'avant [… ] un certain nombre de problèmes, qui sont des problèmes lourds, graves, sur le plan financier, [… ] ça, c'est de la vieille politique », on se dit que la ficelle est un peu grosse. C'est à qui refiler le mistigri ! Tout cela est un peu lamentable.

Ce n'est pas la seule erreur du quinquennat précédent qui nous aura coûté cher. Souvenez-vous des portails écotaxe : 1 milliard ; du passage au paquet de cigarettes uniforme : 100 millions pour n'avoir pas voulu attendre trois mois ! Or quelles sanctions ont été prises contre ces politiques irresponsables ? Aucune, comme toujours.

Pourtant, il faut bien rembourser. Mardi 31 octobre, vous avez, monsieur le ministre, annoncé la mise en place d'une « supertaxe » pour les 300 plus grandes entreprises françaises. Ce qui, somme toute, consiste à faire payer, par ceux qu'on a illégalement taxés, le remboursement de ce qu'on leur doit. Un beau tour de passe-passe !

Il n'est toutefois pas si beau que cela, puisque cette mesure n'est pas très équitable : l'ancienne taxe à 3 % était fondée sur les dividendes alors que la nouvelle contribution fiscale repose, elle, sur les bénéfices. Bruno Le Maire l'a reconnu : « Le dispositif devrait créer 95 gagnants et 233 perdants, dont une dizaine de très perdants ». C'est une bien curieuse conception de l'équité.

Je garde le meilleur pour la fin, si j'ose dire. J'ai entendu tout à l'heure dans la bouche de notre rapporteur général : « L'État prend à sa charge la moitié du remboursement. » L'État ? C'est du François Hollande dans le texte. Car, vous le savez, c'est non pas l'État, mais les Français qui devront payer la moitié de la somme due, ce qui fait dire à Nicolas Baverez, que je ne résiste pas à citer : « La France est le seul pays développé où les contribuables sont tenus d'indemniser l'État et l'administration fiscale pour leur incompétence et leurs violations du droit. »

Une dizaine d'entreprises ont porté plainte vendredi matin pour concussion devant le tribunal de grande instance de Nanterre. D'autres vont suivre à Nantes ou à Rennes. Bref, le feuilleton continue. Tous les efforts entrepris pour faire croire que la France aime à nouveau ses entreprises et qu'elle protège leur compétitivité seront réduits à néant. Ce n'est plus seulement de l'amateurisme, c'est l'image de notre pays qui sort amoindrie, cabossée, ridiculisée de toute cette affaire qui, je le rappelle, est l'oeuvre des mêmes, de cette petite élite qui ne cesse de nous faire la leçon et qui, hier comme aujourd'hui, est toujours aux commandes.

Que chacun, au moins, prenne ses responsabilités : non seulement les socialistes au pouvoir hier encore, mais également Emmanuel Macron, qui ne peut se défausser de son rôle dans cet immense raté. On appelle cela le devoir ou l'honneur : des mots, c'est vrai, qui n'ont plus grand sens pour certains aujourd'hui.

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