Intervention de Ludovic Pajot

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 21h30
Système universel de retraite — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Pajot :

Le projet de réforme du système de retraite soumis à l'examen de la représentation nationale est sans doute le texte le plus symbolique de l'esprit de l'exécutif. Il en ressort tout d'abord un mépris manifeste pour le peuple. Alors que la contestation est générale – des cheminots aux avocats en passant par les professions libérales, les enseignants, les personnels hospitaliers et même les militaires – , le Gouvernement refuse de donner la parole au peuple à travers un référendum. Et pourtant cette réforme, qui concerne l'ensemble des Français, remet clairement en cause notre pacte social.

Ce texte traduit également un profond mépris envers le Parlement. Même si cette assemblée est bien loin d'être représentative, la manière qu'a l'exécutif de la traiter souligne le peu de considération qu'il lui porte. Le nombre des habilitations à légiférer par ordonnances demandées aux parlementaires en est d'ailleurs la triste illustration.

Soit la réforme voulue par le Gouvernement n'est pas prête, et cela traduit un amateurisme total, soit – et cette hypothèse me semble la plus réaliste – tout est prêt et il préfère légiférer dans la dissimulation sur des mesures auxquelles les Français sont farouchement opposés. Je pense bien sûr au développement progressif de la retraite par capitalisation, symbole de l'individualisme que la macronie cherche à mettre en place partout au détriment de la retraite par répartition, symbole des liens intergénérationnels qui font notre cohésion nationale.

Enfin, et c'est sans doute l'élément novateur, cette réforme témoigne d'un mépris des institutions. L'exemple le plus flagrant est la manière dont le Gouvernement a traité le Conseil d'État, qui n'a d'ailleurs pas manqué de le noter dans son avis.

Sur le fond, il est grand temps de cesser de mentir aux Français : il s'agit avant tout d'une réforme budgétaire. Il faut dire que cela fait quelques années que les instances de l'Union européenne, guidées par l'idéologie de l'austérité budgétaire, poussent à cette réforme par le biais des fameuses grandes orientations des politiques économiques. L'objectif, in fine, est de faire baisser la part du produit intérieur brut dédiée aux retraites de 13,8 % aujourd'hui à 12,9 % demain.

Sont en outre prévues la prise en compte de l'ensemble de la carrière pour les salariés du privé en lieu et place des 25 meilleures années, ainsi que l'instauration d'un système par points avec une incertitude totale sur sa valeur dans le temps. Et, compte tenu de la non-diminution du nombre de retraités, chaque Français aura compris que ce système aboutira mécaniquement à une baisse du niveau des pensions. Ce n'est pas l'étude d'impact de mille pages, aussi massive que contestée, qui permettra de dissimuler cette réalité.

Le constat que ce projet est dangereux pour les Français ne doit cependant pas nous laisser penser que le système actuel est parfait. La perfection n'est semble-t-il pas de ce monde mais si le système de retraite en vigueur n'échappe pas à cette règle, il reste viable. Ce qui est avant tout nécessaire, c'est de produire des recettes supplémentaires. Cela passera nécessairement par une politique nataliste et une plus forte création d'emplois, sans oublier les quelque 500 000 travailleurs détachés présents sur notre sol, qui représentent un manque à gagner de près de 3 milliards d'euros pour nos retraites.

En outre, nous considérons que les régimes spéciaux, pour les militaires notamment, mais aussi les régimes autonomes, comme celui des avocats, doivent dans leur grande majorité être maintenus, bien que certains aménagements à la marge soient sans doute nécessaires. C'est tellement vrai que la multiplication des régimes particuliers créés récemment rend illusoire le principe d'universalité qui nous est vendu.

Précarisation, privatisation et financiarisation : tel est en quelque sorte le triptyque mortifère de ce projet de réforme. « La compétence sans autorité est aussi impuissante que l'autorité sans compétence » : ces propos de Gustave Le Bon illustrent assez bien le climat dans lequel nous nous trouvons. Les Français sont en grande majorité opposés à cette réforme que le Président de la République, le Gouvernement et la majorité veulent leur imposer. Chers collègues de la majorité, on ne gouverne pas contre le peuple. Or vous savez que les Français sont contre votre réforme. Vous voulez passer en force ? Ce sera à vos risques et périls.

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